À l'heure où le Ségur de la santé entend fédérer les acteurs de santé dans les territoires, les liens parfois difficiles entre généralistes et psychiatres se resserrent. Au niveau local, les deux spécialités créent de nouvelles coopérations plus directes.
Dans un contexte de démographie psychiatrique en berne, 13 % des consultations de médecine générale libérale portent sur des troubles mentaux. « La santé mentale ne peut se résumer à une prise en charge hospitalière », a cadré le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, à l'occasion lors d'une conférence commune avec le Syndicat des psychiatres français (SPF) qui visait à présenter des modèles de parcours issus du terrain. « Nos organisations ne sont pas forcément conçues pour avoir une expertise et un avis de deuxième ligne et les délais de prise en charge des patients sont très longs », complète le Dr Battistoni qui plaide pour « des coopérations intelligentes ».
Certes, les projets territoriaux de santé mentale (PTSM), instaurés par la loi de santé de 2016, sont censés favoriser l’accès des patients à des parcours de santé à la faveur d'une approche transversale et d'un diagnostic partagé. En réalité, ces projets sont « largement pilotés par les médecins hospitaliers » et centrés sur la discipline psychiatrique quand ce n’est pas uniquement sur les pratiques hospitalières et de secteur, déplore le Dr Battistoni.
Avis sous 11 jours
D'où le déploiement d'initiatives qui font leurs preuves. Le modèle du dispositif de soins partagés en psychiatrie, mis en place à Toulouse fin 2016, améliore la collaboration médecins/psychiatres à la faveur de prises en charge conjointes, garantit l'accès rapide à un avis psychiatrique (libéral ou hospitalier) avec comptes rendus et suivi. « Aujourd'hui les lignes sont cassées et la moyenne des avis rendus est de 11 jours », se réjouit le Dr Maurice Bensoussan, président du SPF.
Ce dispositif est couplé avec une expérimentation dans quatre départements – dont la Haute-Garonne – de prise en charge de thérapies non médicamenteuses en médecine de ville. « Pour des troubles de santé mentale légers à modérés, le médecin traitant peut solliciter un psychologue ou un psychothérapeute, avec une prise en charge de l'assurance-maladie jusqu'à dix séances dans le cadre du parcours de soins », précise le Dr Bensoussan. Un psychiatre pourra reprendre la main si l'état du patient ne s'améliore pas.
Les CPTS innovent aussi
Autour d'Amboise (Indre-et-Loire), c'est une CPTS qui a monté un dispositif de prise en charge de la santé mentale. « Il y a un cloisonnement entre soins somatiques et psychiatriques, mais aussi un problème de collaboration ville/hôpital », souligne le Dr Alice Perrain, généraliste et présidente de la CPTS. Priorités de ce projet : le dialogue avec le pôle psychiatrie du CHU de Tours, la mise en place d'une hotline sur chaque secteur de psychiatrie mais aussi de séances de psychothérapie pour dix patients. « Pour des pathologies fréquentes comme le burn-out ou la dépression, des binômes soignant hospitalier/psychologue libéral sont formés et supervisés par un psychiatre hospitalier avec retour vers le médecin traitant », explique le Dr Perrain. Le projet a bénéficié d'1,2 million d'euros pour deux ans par le biais du fonds d'intervention régional (FIR). Ce budget permet de financer la hotline, le secrétariat et les psychothérapies en libéral.
Ces modèles agiles devront être valorisés dans le cadre du Ségur de la santé, plaide le Dr Battistoni. « Le décloisonnement et la collaboration doivent exister, déjà en ville, mais aussi avec l'hôpital. Et ce qui est valable en santé mentale, on peut aussi l'imaginer en gériatrie, en oncologie ! L'hôpital ne doit pas être le début et la fin de la prise en charge, mais bien un recours ».
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