Publiée au « JO », la taxe de 0,50 centime d’euro par feuille de soins à papier entrera en vigueur au 1er janvier 2011. Pourquoi avoir décidé ce délai de huit mois ? Est-ce une volonté de calmer le jeu ?
FRÉDÉRIC VAN ROEKEGHEM - Notre objectif n’est pas de collecter des taxes sur les feuilles de soins papier ! Si cela avait été le cas, nous n’aurions pas été favorables à un renforcement des aides à la télétransmission ni à un décalage de la mise en uvre de la pénalité au 1er janvier prochain. Nous voulons en réalité enclencher une nouvelle dynamique positive autour de la télétransmission et, à terme, de la modernisation de la médecine libérale. L’enjeu est de favoriser la montée en puissance des nouveaux services en ligne et la diffusion de l’internet dans le monde de la santé. Nous avons pris contact avec les fédérations d’éditeurs de logiciels médicaux pour examiner les conditions de réussite de l’équipement des médecins qui ne sont pas encore équipés pour la télétransmission ou ne disposent pas de logiciels métiers. Ces médecins ont huit mois pour choisir de s’équiper. Les éditeurs de leur côté font un effort avec une nouvelle offre de FSE en ligne à un prix en adéquation avec le forfait de 250 euros qui est instauré dans le règlement arbitral. Du côté des caisses primaires, il y aura un plan d’action pour aider les médecins qui le souhaitent à s’équiper.
J’AI DONNÉ DES INSTRUCTIONS DE FERMETÉ AUX CAISSES PRIMAIRES
Néanmoins, le principe de la taxe contre les récalcitrants est maintenu à un niveau dissuasif. Vous ne craignez pas une levée de boucliers ?
Nous montrons au contraire notre bonne volonté en donnant un signal fort sur les aides à la télétransmission qui sont plus incitatives que dans le dispositif initialement prévu - forfait de 250 euros, aide de 0,07 euro par FSE à quoi va s’ajouter un deuxième forfait annuel de 250 euros pour les médecins qui utilisent les téléservices avec les protocoles de soins électroniques et les arrêts de travail dématérialisés. Et ce n’est qu’un début ! C’est une politique forte d’incitations à s’équiper et se moderniser. De l’autre côté, on désincite à rester dans des pratiques désuètes, 10 ans après la mise en place de la carte Vitale ! Tous les médecins libéraux de notre pays devraient accepter la carte Vitale qui est un service rendu au patient. Ce serait un signal considérable de la modernisation de la médecine libérale. Quant au montant de la taxe, il est proportionné : la pénalité est dissuasive mais pas confiscatoire.
Quel est l’impact des divers mouvements syndicaux de grève de la télétransmission ?
La très grande majorité des médecins qui télétransmettent continuent à le faire… Ce mouvement n’a plus de raisons d’être. Je pense que les messages politiques sur la revalorisation du C, l’autorisation de la cotation CS à partir du 1er janvier 2011 et la mise en place des aides à l’équipement ont été appréciés.
Quelle économie attendez-vous de la généralisation de la télétransmission ?
Tout dépendra de la dynamique impulsée par les médecins. Plus les médecins télétransmettront, plus les économies seront importantes. Notre objectif est que le nombre de feuilles de soins papier soit réduit de moitié (la CNAM a traité l’an passé 110 millions de feuilles papier émises par les médecins). Nous allons observer le taux d’équipement des professionnels qui jusqu’ici ne télétransmettaient pas. Je sais qu’il restera un flux résiduel de feuilles de soins papier, des patients âgés, des personnes qui égarent leur carte… Mais tout de même, les pharmaciens d’officine télétransmettent à plus de 95 % ! Certains spécialistes qui ne font pas de visites télétransmettent aussi à plus de 95 %. C’est une indication…
Quelles situations d’exonérations de la taxe avez-vous retenu et pourquoi ?
Encore une fois, nous ne sommes pas dans une logique du 0 % feuilles de soins papier. Nous avons fixé un socle de télétransmission de 75 % qui permet de prendre en compte les médecins qui télétransmettent déjà de façon importante. Les généralistes ont un taux moyen de 83 %, ce qui est assez élevé. La plupart seront donc d’ores et déjà éligibles aux nouvelles aides. Sur les cas d’exonérations, le dispositif a été affiné et assoupli. Nous avons mis en place un abattement de 25 % à la base qui intègre les visites et les situations courantes rencontrées par les médecins qui ont l’habitude de télétransmettre. L’exonération concerne aussi les feuilles pour bénéficiaires de l’Aide médicale d’État, les nourrissons de moins de trois mois et les prestations effectuées intégralement hors de la présence du patient, essentiellement les actes des anatomocytopathologistes. En revanche, il n’y avait pas de base légale pour différencier les praticiens en raison de leur âge.
Au final, vous estimez que le « package télétransmission » est équilibré entre la pénalité et les aides ?
Si nous avions instauré la taxe sans les aides, cela aurait été très mal perçu. Le dispositif est maintenant équilibré. Ce qui explique que les deux textes - règlement arbitral avec les aides, et décision sur la taxe - ont été publiés le même jour…
Des syndicats appellent les généralistes à coter CS ou C à 23 euros. Ces mots d’ordre sont-ils suivis et quelles consignes avez-vous donné aux caisses primaires ?
Environ 3 % des généralistes ont coté au moins une fois à 23 euros. Ils étaient exactement 1 530 au 18 avril. Le CS est rejeté par nos systèmes électroniques pour la médecine générale de même que sur les feuilles de soins papier. Notre décision est simple ; nous appliquons le droit en ne remboursant pas ces consultations tant que la nomenclature n’est pas modifiée, et cela se fera pour le 1er janvier 2011. Jusqu’à cette date, le CS n’est pas une cotation remboursée pour les médecins généralistes. Quand un praticien facture le C à 23 euros, le remboursement se fait sur la base de 22 euros. L’euro de plus est considéré comme un dépassement pour exigence particulière du patient. Il est soumis aux sanctions conventionnelles qui peuvent aller jusqu’à la suppression de l’exonération des cotisations sociales du praticien.
LA DATE DU 1ER JANVIER 2011 EST UN COMPROMIS POLITIQUE
De telles sanctions ont-elles déjà été prononcées ?
Non, pas à ma connaissance. Mais des mesures seront rapidement prises en cas de dérive réitérée des praticiens. J’ai donné des instructions de fermeté aux caisses primaires en ce sens. La situation économique est difficile pour nos concitoyens. La décision de revaloriser le C est aussi une décision de respect des tarifs opposables. Une lisibilité a été donnée aux médecins sur la date. Nous souhaitons que l’état de droit soit respecté. En contrepartie, nous respecterons la date du 1er janvier 2011.
À cette date, les spécialistes de médecine générale auront le droit de coter CS. Comment cette décision va-t-elle se traduire juridiquement alors que la Cour de cassation a dit le contraire…
La Cour de cassation a confirmé qu’en l’état actuel du droit, et sans modification des textes, la cotation CS n’est pas autorisée. Pour mettre en uvre la décision du président de la République, il faut aménager les textes. Nous réunirons en ce sens la commission de nomenclature au mois d’octobre pour tenir les délais. Sur la base de son avis, le collège des directeurs rendra une décision applicable au 1er janvier 2011.
Nicolas Sarkozy a déclaré que la cotation CS était naturelle pour les spécialistes de médecine générale. Ne redoutez-vous pas une forme d’anarchie tarifaire dans les mois qui viennent ?
Non, la date ayant été fixée au 1er janvier 2011. Cette date est un compromis politique entre les revendications des médecins et la capacité de l’assurance-maladie à financer cette revalorisation. Regardons les choses en face. En l’état de la situation internationale, c’est une décision lourde qui a été prise en faveur des praticiens. Le message envoyé aux médecins de terrain est important !
Le règlement arbitral de Bertrand Fragonard est entré en vigueur. Les médecins le trouvent peu audacieux. Et vous ?
Le travail de Bertrand Fragonard était délicat. Il s’en est sorti avec beaucoup de doigté. Il devait arbitrer entre des positions divergentes de l’assurance-maladie et des syndicats de médecins. Le point le plus sensible était la date de la revalorisation du C. Cette date a été tranchée politiquement.
Mais ce texte avait d’abord pour objet d’éviter le vide conventionnel. À ce titre, il donne plusieurs garanties. En prorogeant l’avenant 20, il sécurise l’environnement d’exercice des médecins qui exercent en zone sous-dotée et bénéficient d’une majoration de 20 % de leurs honoraires - la seule mesure incitative importante qui est aujourd’hui mise en uvre. Le règlement arbitral arrête également les thèmes de la maîtrise médicalisée pour l’année 2010, reprenant ceux évoqués dans la négociation conventionnelle. Bertrand Fragonard a ajouté les ostéoporotiques et les antalgiques. Il permet par ailleurs le maintien du tiers payant social au profit des patients des anciens médecins référents de même que la dispense d’avance de frais pour les assurés dont les revenus sont modestes. Ce texte traduit un compromis acceptable pour l’ensemble des parties. Mais il ne se substitue pas aux négociations conventionnelles sur les grands sujets de la régulation des dépassements, du secteur optionnel ou des spécialités cliniques.
Roselyne Bachelot a déclaré que le règlement arbitral avait vocation à s’appliquer pendant au moins un an. Cela signifie-t-il qu’il y aura un gel total d’un an sur le secteur optionnel ou la démographie ?
Ne nous faisons pas d’illusions. Peut-on imaginer de négocier sur ces sujets en pleine campagne pour les élections professionnelles ? Non. Le règlement arbitral permet d’éviter le blocage de plusieurs dossiers dans l’attente des élections professionnelles et de la reprise des négociations après l’enquête de représentativité syndicale. Les discussions en vue de la nouvelle convention devraient reprendre au dernier trimestre 2010. C’est ainsi que le règlement arbitral s’appliquera pendant un an environ, ce qui est conforme à la loi.
L’ONDAM a été fixé à 3 % pour cette année. Les dépenses sont dynamiques en ce début d’année, aux alentours des 4 %. Faut-il s’attendre au déclenchement de l’alerte par le comité prévu à cet effet ?
Pour les soins de ville, notre base d’exécution de 2009 est très saine car nous sommes en ligne avec les prévisions de la commission des comptes de septembre dernier. Nous avons certes, sur le premier trimestre 2010, une évolution plus dynamique que souhaitée de certains postes en raison de l’effet report de revalorisations accordées aux infirmières libérales et aux transporteurs sanitaires. Le risque de dépassement de l’ONDAM parait mesuré sur les soins de ville. Il est trop tôt pour tirer des conclusions sur le risque d’alerte.
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