LA PROPOSITION DE LOI du sénateur UMP Jean-Pierre Fourcade ne cachait pas sa double ambition, technique et politique : d’un côté, apporter des avancées concrètes pour la médecine libérale (notamment faciliter juridiquement l’exercice regroupé) et, de l’autre, arrondir les angles de la loi HPST (Hôpital, patients, santé, territoires) en supprimant les mesures jugées humiliantes par la profession. Si le premier objectif a été atteint, le deuxième est en partie manqué.
En première lecture, le Sénat a infligé un camouflet au gouvernement en rétablissant, contre l’avis du ministre de la Santé, Xavier Bertrand, les fameuses déclarations obligatoires d’absence des médecins libéraux à l’Ordre, une mesure de la loi Bachelot qui avait braqué toute la profession et que l’exécutif avait promis de jeter aux oubliettes. Que s’est-il passé ?
Un groupe de sénateurs (8 Union Centriste, 1 UMP) a défendu un amendement faisant valoir que l’obligation pour un médecin d’informer l’Ordre de ses absences programmées ne constitue en aucun cas une entrave à l’exercice libéral mais une information nécessaire à l’organisation de la continuité des soins. Ces sénateurs, souvent élus de secteurs ruraux, ont dénoncé les renoncements de la loi Fourcade à combattre la désertification. « Cet article [qui abroge les déclarations d’absence] vise à supprimer tout ce qui peut contrarier un tantinet les médecins. L’obligation d’informer le conseil de l’Ordre de ses absences est pourtant une contrainte bien légère ! Mais les élections approchent… », a ironisé Hervé Maurey, un des sénateurs auteurs de l’amendement. Xavier Bertrand a plaidé le principe du volontariat, mais rien n’y a fait. Yves Détraigne (UC) a accusé le ministre d’être « coupé des réalités » alors que les déserts médicaux « progressent ». « Il faut éliminer tout ce qui peut chagriner vos électeurs : médecins libéraux, agriculteurs, patrons, artisans et commerçants. M. Fourcade est en service commandé ! », a renchéri Guy Fischer (groupe Communiste). L’amendement a été adopté de justesse (167 pour, 158 contre).
Effet contraire.
Le tollé a été immédiat dans la profession. La CSMF dénonce « le retour de la coercition » qui pénalisera tous les médecins « alors que les problèmes de continuité des soins ne se posent que dans un très petit nombre de cas ». La FMF voit dans ce « retour en arrière » une mesure « éminemment paperassière et inutilement vexatoire ». Quant à MG-France, il déplore un signal négatif. « Les sénateurs pour la disparition des MG libéraux ? », interroge le syndicat. En pratique, ce signalement de congés a été jugé matériellement inapplicable sur le terrain par l’Ordre des médecins.
En revanche le Sénat est allé dans un sens favorable aux médecins sur de nombreux points. À la demande du gouvernement, il a repoussé des amendements autoritaires qui visaient à contingenter les nouvelles installations dans les zones surdenses, à contraindre les jeunes médecins à exercer pendant trois ans dans une zone fragile ou à obliger les étudiants à faire des remplacements dans les zones sous dotées. Il a surtout supprimé le caractère obligatoire du contrat santé solidarité prévu dans la loi Bachelot, c’est-à-dire la pénalité financière (jusqu’à 3 000 euros par an) qui menaçait les généralistes des zones surdotées refusant de prêter main-forte ponctuellement à des confrères dans des secteurs fragiles proches. Xavier Bertrand s’est engagé par ailleurs à alléger l’exercice des médecins qui approchent de la retraite « pour les inciter à exercer plus longtemps ».
Comme prévu, le Sénat adopté la création d’un nouveau type de société, les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA), qui consolideront le cadre juridique et financier en cas d’exercice regroupé pluridisciplinaire. Le texte prévoit la possibilité de constituer une SISA avec deux médecins et un auxiliaire médical. La Haute Assemblée a également rétabli les contrats de bonnes pratiques et de santé publique qui avaient été abrogés. Elle a enfin supprimé l’obligation pour les dentistes d’indiquer sur les devis le prix d’achat des prothèses et de chaque élément d’appareillage proposé.
Xavier Bertrand a salué l’adoption de la PPL Fourcade, « premier pas dans le rétablissement de la confiance ». Les adversaires du texte (groupe communiste, groupe socialiste, une partie des sénateurs centristes) ont dénonce une loi d’« opportunité » qui ne « règle rien » sur les soins de premiers secours, les déserts médicaux et les dépassements d’honoraires.
L’Assemblée nationale examinera à son tour la PPL Fourcade, à partir du 29 mars en commission des affaires sociales.
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