LE PREMIER MINISTRE avait installé en grande pompe le comité des sages, en février dernier, lors d’un déplacement à Grenoble. Jean-Marc Ayrault avait demandé aux sept experts* présidés par Alain Cordier de fixer les grandes lignes d’une stratégie nationale de santé « pour les cinq voire dix ans à venir ». « Il faut créer une médecine de parcours, qui repose sur la coopération des professionnels » et « inciter au travail collectif », avait ainsi demandé le chef du gouvernement. Le rapport d’une centaine de pages qui a été remis aux pouvoirs publics fin juin, et dont « La lettre d’Espace Social » a dévoilé le contenu, répond ni plus ni moins à la demande du Premier ministre. Les sages formulent 19 propositions pour préciser le rôle des différents acteurs du système, renforcer les priorités de santé publique ou encore aménager la formation initiale et la rémunération des métiers de santé.
S’il ne contient aucune proposition révolutionnaire, ce rapport défend selon certains des mesures de bon sens ou enfonce des portes ouvertes selon d’autres. Pour promouvoir la prévention et « réduire les dépenses de réparation »,les experts proposent d’impliquer davantage le patient et son entourage, de fixer 3 à 5 indicateurs prioritaires au Haut conseil de santé publique (HCSP) et de renforcer la lutte contre le tabac, l’alcool et les addictions.
Une messagerie avant le DMP.
L’exercice libéral en solitaire est « de moins en moins adapté » à la prise en charge des patients chroniques,les sages préconisent de « décloisonner » le système de santé. L’organisation des soins doit être « plus collaborative », pour « réduire les dépenses inappropriées ». La constitution d’équipes de soins de santé primaires doit être encouragée avec une rémunération spécifique, la coordination étant sous la responsabilité du médecin traitant. Le rapport Cordier suggère par ailleurs d’assurer le tiers payant chez tous les médecins libéraux de secteur I dès le 1er janvier 2014. La simplification administrative entreprise ces dernières années doit par ailleurs être confortée. Les sages proposent également d’optimiser la place de l’hôpital et de mieux coordonner son action avec la médecine de ville. Pour ce faire, la transmission d’informations entre professionnels de santé doit être optimisée avec la mise en place d’une messagerie sécurisée. Les experts ne tablent plus dans l’immédiat sur le dossier médical personnel (DMP). Tout au plus espèrent-ils qu’une première étape pourra être franchie avec la définition d’un « contenu socle » (biologie, médicaments, volet médical de synthèse...). La télémédecine doit quant à elle être développée « à bon escient », lorsqu’elle a fait la preuve de son efficacité.
Culture commune.
Pour rendre cohérente l’évolution des tarifications fixées par l’État à l’hôpital et par la voie conventionnelle en ville les sages souhaitent la constitution d’un conseil de la tarification.
Sur le champ de la formation, le rapprochement des facultés de maïeutique, médecine, odontologie et pharmacie doit se poursuivre au sein de facultés de sciences de la santé afin de délivrer une « culture commune ». Les cursus doivent s’ouvrir à l’ambulatoire, et les futurs médecins généralistes et spécialistes être mis en responsabilité pendant un stage obligatoire. La création de nouveaux métiers de santé (infirmier clinicien) et les aides à domicile sont plébiscitées. Des critères de sélection des futurs professionnels à l’entrée des formations de santé devraient selon eux être instaurés avec des réorientations précoces (comme le prévoit la loi Fioraso). Pour piloter efficacement le système de santé, les sages recommandent de donner aux ARS le « maximum de marges de manœuvre ».
Le gouvernement présentera en septembre sa feuille de route déclinant ses principales orientations. Le ministère de la Santé a salué « l’apport précieux » des sages. Reste à savoir ce qu’il en retiendra.
* Avec Alain Cordier, ancien DG de l’AP-HP, le comité des sages était constitué du Pr Geneviève Chêne, chef du pôle santé publique du CHU de Bordeaux ; du Dr Pierre de Haas, généraliste, président de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS) ; du Pr Dominique Perrotin, président de la conférence des doyens ; du Pr Emmanuel Hirsch, directeur de l’éthique médicale de l’AP-HP ; du Dr Gilles Duhamel, IGAS ; et de Françoise Parisot-Lavillonière, directrice de l’institut de formation sanitaire et sociale de la Croix-Rouge dans la région Centre.
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