Ce n'est qu'un vote en commission mais il en dit long sur la volonté de certains députés de répondre au défi des déserts médicaux, quitte à bousculer le gouvernement.
Pour faciliter le cumul emploi-retraite des médecins libéraux, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a voté mardi la suppression des cotisations retraite dues à la Carmf (Caisse autonome de retraite des médecins de France) par les médecins en situation de cumul, une revendication de longue date des praticiens concernés qui n'a jamais abouti.
12 000 praticiens concernés
À l’origine de ce vote surprise, un amendement déposé du Pr Philippe Juvin (LR, Hauts-de-Seine). « Aujourd'hui, il y a un médecin libéral sur dix qui est dans cette situation et c'est variable selon les spécialités, a souligné le chef de service des urgences de l'hôpital européen Georges-Pompidou. En psychiatrie, c'est un médecin sur quatre ».
Or, ces cotisations retraite – qui représentent en moyenne 9 850 euros par an pour un médecin en secteur I et 16 443 euros pour un secteur II – ne leur ouvrent strictement aucun droit supplémentaire. D'où l'idée d'encourager financièrement les médecins à rester en activité, voire de faire revenir certains retraités ! « Une telle incitation financière a fait ses preuves lors de la crise sanitaire de la Covid-19 puisqu'elle avait contribué au retour en activité de plusieurs centaines de médecins », explique le Pr Juvin.
Selon l'exposé des motifs de l'article, 12 422 médecins sont déjà en situation de cumul emploi-retraite ; et 27 % des 79 830 médecins retraités actuels ont moins de 70 ans. « Cela représente autant de médecins qui pourraient être mobilisés pour renforcer les troupes vaillantes », glisse l'anesthésiste-réanimateur.
Contre l'avis de la majorité présidentielle
Le député de Charente (Horizons), Thomas Mesnier, n'a pas soutenu cet amendement. L'urgentiste a fait valoir que, dans le cadre du précédent budget de la Sécu, le gouvernement a déjà relevé à 80 000 euros le plafond de revenus permettant aux médecins en situation de retraite/activité libérale d'être exonérés de cotisations Carmf (en zone déficitaire). « Je n'ai pas eu le sentiment que beaucoup de médecins se sont emparés de ce relèvement pour exercer en cumul emploi retraite », a-t-il ironisé.
Un argument balayé par Philippe Vigier (Eure et Loir, Modem) : « Je soutiens l'amendement car ce sera un signal fort et il fait partie de l'arsenal dont on dispose pour améliorer l'accès aux soins. » Député de Corse du Sud (Liberté, Indépendants et Territoires), Paul-André Colombani est lui aussi favorable. « Grâce au relèvement du plafond, nous avons déjà pu maintenir l'activité d'un neurologue en Corse où il y a moins de cinq ou six neurologues en activité. Il ne faut donc pas se priver de mesures pour faire reculer le désert médical. » Ce vote a aussi eu le soutien du Rassemblement national. Pour la députée des Bouches-du-Rhône Joëlle Mélin (RN), « après 65 ans, cette profession qui n'a jamais compté ses heures mérite une incitation pour travailler en paix et sans les éléments administratifs ».
Ces arguments n'ont pas convaincu Stéphanie Rist, rapporteure générale du PLFSS. Même si la députée du Loiret (Renaissance), elle-même rhumatologue, a jugé cette proposition « importante », elle a donné un avis défavorable, au nom de la majorité présidentielle, renvoyant cette discussion dans le cadre de la réforme des retraites. L'amendement a donc été adopté en commission contre son avis, en attendant le débat en séance publique, à partir du 20 octobre.
Leïla Chaouachi (spécialiste de la soumission chimique) : « Il faut aussi aider les médecins à rompre l’isolement »
L’Académie pointe les disparités de l’offre de soins en cancérologie
Un carnet de santé numérique privé ? L’onglet de Doctolib jette le trouble, jusqu'au ministère
Le retour à l’hôpital d’une généraliste après 25 ans de libéral