La jeune intersyndicale des « Libéraux de santé » (LDS), composée de onze structures représentatives de dix professions* (médecins, dentistes, kinés, infirmières, etc.), créée à l'automne 2021, n'échappe pas à l'exercice en vogue de la plateforme présidentielle. Déterminée à peser dans le débat, elle a présenté jeudi 10 février « un texte de loi de santé », presque clé en main, à destination des prétendants à l'Élysée.
La ville, premier recours
Ce projet se veut « ambitieux » pour le quinquennat et se base sur six mesures socles « pour bâtir un système de santé plus efficient » et « répondre aux défis de l’accès aux soins et de la dépendance ». « Une réforme est indispensable pour redonner de la lisibilité à l’offre de soins et repenser l’organisation des soins », peut-on lire. Il sera présenté dans sa version complète le 30 mars au Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Premier objectif de cette feuille de route, « faire de la ville le premier recours au système de santé » en s'appuyant sur les libéraux, qui s'estiment toujours « oubliés du Ségur » centré sur l'hôpital. Alors que le gouvernement promet un virage à la fois ambulatoire et domiciliaire, les Libéraux de santé prônent une logique de parcours autour des équipes de soins coordonnées autour du patient (Escap), forme légère et souple de coopération. « L'Assurance-maladie est peu empressée de soutenir cette modalité de coordination, mais pour nous il n'y a pas d’ambiguïté, c’est le patient d’abord et ces structures sont le premier échelon de la coordination », plaident les Libéraux de santé, alors que les CPTS, plus lourdes sur le plan organisationnel et juridique, « peinent encore à se déployer ».
Changer les règles des négos
Autre urgence : « refondre le système conventionnel et ses financements ». Plus précisément, les Libéraux de santé souhaitent changer les règles de négociation en rééquilibrant les relations entre les syndicats et l'Assurance-maladie. « Les négociations doivent pouvoir être décidées par l’une ou l’autre des parties, le cadrage financier doit être transparent dès le départ, ainsi que les axes de travail », avance Sébastien Guérard, président de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes (FFMKR) et président des Libéraux de santé.
L'intersyndicale veut aussi « réviser » les critères de représentativité syndicale afin de combattre « la balkanisation des organisations représentatives ». Cette division dilue les messages des libéraux et aboutit à ce que certaines professions – dont les médecins libéraux – se retrouvent à huit ou dix autour de la table pour défendre leurs intérêts, se désole l'intersyndicale.
Métiers : pas de nivellement par le bas
Côté métiers, les libéraux entendent faciliter les reconversions et favoriser la mobilité. Face à la montée en compétences des professions paramédicales (infirmiers, aides-soignants), il est indispensable « de repenser les périmètres de chaque métier », mais pas n'importe comment. « Au niveau conventionnel, à chaque fois qu’une évolution "métier" est envisagée, il doit y avoir un espace de concertation préalable, insiste Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Il faut sortir du paradigme qui consiste à penser qu’il faut déshabiller les uns pour rhabiller les autres, en nivelant par le bas plutôt que par le haut. »
Pour mener à bien cette réorganisation, « ce n’est pas à l’Assemblée nationale de décider, mais aux professionnels de santé eux-mêmes, recadre le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Et il faut réfléchir à l'impact financier de ces mesures : si on transfère une partie des compétences, il faut revoir les tarifs actuels des actes en libéral, cela vaut pour les médecins mais aussi les infirmiers. » L'intersyndicale libérale considère aussi qu'il faudra mieux intégrer les outils numériques dans les parcours de soins et faire de la prévention « la clé des parcours de santé », ce qui suppose la création de « consultations dédiées » à divers âges de la vie.
Pour l'intersyndicale enfin, il convient de lutter contre la désinformation en santé, qui a prospéré pendant la crise sanitaire, et de renforcer le caractère obligatoire de la vaccination pour les libéraux.
* Médecins, infirmiers, pharmaciens, biologistes, chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes, orthoptistes, orthophonistes, audioprothésistes, pédicures-podologues.
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