Comment les généralistes font-ils évoluer leurs pratiques pour faire face à la pénurie médicale ? Ont-ils recours aux dispositifs comme les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou les assistants médicaux pour améliorer l’organisation des parcours de soins ? Les réponses à ces questions ont été dévoilées ce jeudi par la Drees, le service des études du ministère de la Santé, qui a interrogé plus de 1 550 médecins dans le cadre de sa sixième vague d'enquête menée par internet et par téléphone entre le 5 janvier et le 22 avril 2022.
Les résultats publiés dans deux études différentes montrent que les médecins de famille changent leur organisation pour s'adapter à la situation et adhèrent de façon croissante aux CPTS. En revanche, leurs opinions sur les assistants médicaux restent mitigées.
Deux tiers refusent de nouveaux patients comme médecin traitant
La baisse de 5,6 % de leur effectif impacte l'offre de médecine générale dans les territoires. Cette évolution est fortement ressentie par médecins de famille. Selon la première étude de la Drees, près de 8 généralistes (80 %) sur dix la jugent en effet « insuffisante » dans leur zone d’exercice. Une perception qui a fortement progressé en trois ans, passant de 67 % en 2019 à 78 % en 2022, soit 11 points de plus. Pour les généralistes interrogés, cela se traduit concrètement par des difficultés à adresser leurs patients vers les confrères d'autres spécialités (87 % contre 77 % en 2019), voire vers les professions paramédicales (infirmières, masseurs-kinésithérapeutes…). Alors pour faire face à cette tension, les généralistes modifient leur organisation.
Parmi les solutions proposées dans l'enquête, le refus de prendre de nouveaux patients comme médecin traitant est adopté par les deux tiers des médecins interrogés, une forte progression en trois ans selon la Drees (65 % en 2022 contre 53 % en 2019). Autre évolution notable : ils sont à 44 % contre 40 % en 2019 à voir moins fréquemment des patients souffrant de maladies chroniques. En revanche, ils sont un peu moins nombreux à être amenés à refuser des patients occasionnels dont ils ne sont pas le médecin traitant (40 %, contre 45 % trois ans plus tôt).
Trois profils de généralistes se dégagent de l'étude selon leur stratégie d’adaptation à l’offre de soins locale. Le premier regroupe ceux exerçant le plus souvent en cabinet de groupe (plutôt des hommes, jeunes). Ceux-ci s'adaptent en choisissant majoritairement la délégation d'une partie de leurs tâches. Le deuxième type de profil concerne les médecins exerçant plus souvent seuls qui s'adaptent comme ils peuvent (faire des journées plus longues, rogner sur le temps de formation) sans déléguer. Et le dernier (plutôt des hommes de 60 ans et plus) moins concerné par la baisse démographique ne met pas ou peu de mesures d'adaptation en place.
Les médecins apprivoisent les CPTS
Dans ce contexte de pénurie médicale, la deuxième étude de la Drees montre que le recours aux outils proposés par l'État pour mieux travailler en coordination avec d'autres professionnels ou de libérer le temps médical progresse. C'est le cas pour l’exercice au sein d’une CPTS qui concerne, en 2022, 20 % des médecins généralistes libéraux alors qu’ils n’étaient que 7 % début 2019. En outre, 12 % indiquent faire partie d’une CPTS en projet et 14 % déclarent qu’ils souhaiteraient en faire partie.
Quatre médecins sur dix jugent l'exercice en CPTS « positif » et un peu plus d'un sur dix (13 %) considèrent que les CPTS représentent un mode d’organisation incontournable dans les années à venir. Là aussi, les profils des médecins de famille adhérents à une CPTS sont spécifiques : il s'agit plus souvent de femmes, de médecins exerçant en groupe ou dans des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). La part de médecins en CPTS est plus élevée dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (29 %) et dans les Pays de la Loire (27 %) que dans le reste du territoire.
En revanche, l'appréciation de l'aide des assistants médicaux mise en place en 2018 reste mitigée. Si la plupart des médecins sondés ont déjà entendu parler de ce dispositif (91 %), seuls 5 % déclarent travailler avec ce nouveau type de professionnel début 2022. Parmi les médecins qui ne l'ont pas fait, 59 % ne le souhaitent pas et 11 % le souhaiterait.
Leurs opinions sur l'intérêt de ce dispositif sont très partagées : 47 % estiment que les assistants médicaux ne constitue pas une solution pour mieux répondre aux sollicitations des patients, tandis que 41 % jugent le contraire. L'assouplissement des conditions d'embauche d'un assistant médical prévu dans le règlement arbitral pourrait peut-être changer la donne et permettre d'atteindre les 10 000 contrats d'aides attendus d'ici à 2025 (contre 3 000 actuellement).
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