Après plusieurs semaines d’un agenda parlementaire occupé par la réforme des retraites, la valse des propositions de loi (PPL) coercitives pour la médecine libérale reprend de plus belle. Ce mercredi 22 mars, une trentaine de députés issus des bancs des Républicains a ainsi déposé un nouveau texte « contre les déserts médicaux ». Composé de 15 articles, il remet encore une fois sur la table la question de la régulation à l’installation des médecins. Rédigée par Jérôme Nury, député LR de l’Orne, cette proposition de loi est le fruit des échanges du groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux, créé par Guillaume Garot, le député socialiste de Mayenne, et dont fait partie le député normand.
Assumant une décision de « courage politique », les députés républicains veulent produire des « aménagements » à la liberté d’installation. La PPL prévoit ainsi de « flécher l’installation des médecins généralistes, spécialistes et des chirurgiens‑dentistes vers les zones où l’offre de soins est insuffisante ». En d’autres termes, de soumettre chaque installation à une autorisation de l'agence régionale de santé (ARS).
Un départ pour une arrivée
En dehors des zones sous-dotées, cette autorisation ne pourra être délivrée que « suite à la cessation d’activité d’un praticien pratiquant la même spécialité sur ce territoire », peut-on lire. Un « premier pas » vers la régulation à l’installation, justifient les parlementaires, qui évoquent une mesure « probante qui a déjà̀ été́ mise en place dans plusieurs États comparables à la France ».
Plus originale, les élus LR avancent aussi une mesure qui ne sera pas du goût des jeunes médecins : limiter à quatre ans la durée de remplacement en libéral, cumulé sur toute la carrière. Une façon de favoriser l’installation « durable » dans les territoires. Les auteurs de la proposition souhaitent par ailleurs, comme d’autres, rétablir l’obligation de participation à la permanence des soins.
De même, et « sauf en cas de force majeure », chaque médecin devra prévenir les autorités six mois à l’avance de son envie de quitter son cabinet. Un préavis pour anticiper la réorganisation des soins, car « il n’est pas rare qu’un médecin annonce son départ d’un territoire laissant, sous un mois, plusieurs centaines de patients sans médecin », déplorent les élus.
La création d'Écoles normales pour médecin
« À̀ situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles », assument encore ces députés de droite, qui craignent que la France n’atteigne un point de rupture « irréversible » face aux inégalités « flagrantes » d’accès aux soins. « En 2022, on compte trois fois plus de médecins généralistes par habitant dans le département le mieux doté que dans le département le moins bien doté. Cet écart de densité́ monte à 18,5 pour les ophtalmologues, 23,5 pour les dermatologues », s'alertent-ils.
À cet égard, le texte de loi vise à favoriser l'entrée dans les études de médecine pour les jeunes les plus éloignés des métropoles. Les parlementaires proposent ainsi de créer – lors d’une expérimentation qui durerait six ans – une « École normale des métiers de la santé » à la façon des Écoles normales pour instituteurs mises en place par Jules Ferry à la fin du XIXe siècle. Des études gratuites assorties d’une bourse, qui imposeraient en contrepartie aux étudiants d’exercer dix ans sur le territoire, faute de quoi ils devront rembourser les sommes perçues. Un « ascenseur social », argumentent les élus.
Des mesures pour les Padhue
Enfin, la proposition de loi dessine de nouvelles facilités d’exercice pour les médecins à diplôme étranger (Padhue), « qui œuvrent quotidiennement dans les établissements de santé les plus isolés du territoire sans compter leurs heures ». Par exemple, l’ARS pourrait décider, par arrêté, d’autoriser l’exercice de ces Padhue en zones sous-denses. Les députés souhaitent aussi limiter à 45 jours le délai de réponse suite à une demande d’autorisation d’exercice déposée par un confrère étranger.
Formé avant l’été, le groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux a déjà auditionné « 38 organisations de médecins, d’internes, d’étudiants, d’élus, d’usagers et de professionnels de santé́ », rappellent les élus de droite. Ils espèrent désormais que les débats à venir au Palais Bourbon « permettront d'enrichir encore » cette proposition de loi.
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre