Instauré dans les établissements de santé mi-mars pour libérer un maximum de lits de réanimation, le « plan blanc élargi » a vécu, s'impatientent praticiens libéraux et cliniques.
Dans un communiqué commun, une dizaine de syndicats* du secteur libéral exigent la levée sécurisée des plans blancs dans les établissements et une « pleine » reprise des soins dans des conditions sécurisées. Ils estiment que « différer les soins ou y renoncer peut avoir des conséquences graves sur l’état de santé de la population ».
L'urgence est de reprendre
« Les dispositions du plan blanc, comme la déprogrammation des interventions non urgentes pour faire face à un afflux massif de patients, sont en contradiction avec les nécessités de la situation sanitaire actuelle, alors que l’urgence est de reprendre rapidement la continuité des prises en charge et des soins des patients non Covid », indiquent les libéraux, qui plaident néanmoins pour une reprise ajustée aux réalités épidémiques locales.
« Le maintien du plan blanc élargi à l'ensemble du territoire n'est plus adapté et on ne doit plus rester dans cette situation, s'exaspère le Dr Philippe Cuq, coprésident du BLOC. Les régions où il y a peu de circulation virale, comme l'Occitanie où j'exerce, ont mis en place des moyens colossaux face au risque sanitaire du coronavirus, qui ne servent en fait à rien. C'est schizophrénique. Adaptons-nous plutôt aux besoins médicaux ! »
Le ministre de la Santé Olivier Véran, dans une déclaration transmise à l'AFP ce mardi, concède que dans les régions « où les ARS considèrent que le virus circule peu, et selon l'occupation des services de réanimation et les ressources disponibles, les établissements peuvent reprogrammer des opérations ». « Les diagnostics et les traitements ne doivent souffrir d'aucun retard », juge Olivier Véran.
Services vides
Mais dans certains cas, le mal est fait, alerte le Dr Cuq, chirurgien vasculaire à Toulouse. « Des exemples de situations qui se sont aggravées par manque de prise en charge, nous en avons déjà plein ! Comme cette patiente, avec une artère bouchée. Elle n'a pas consulté à temps, et est arrivée avec une ischémie dépassée au pied », détaille-t-il.
« Sur le terrain, les choses sont différentes de ce qu'affirme le ministre, accuse aussi le Dr Franck Devulder, gastro-entérologue libéral près de Reims, à la tête des Spécialistes-CSMF. J'ai eu des remontées de médecins des Hauts-de-France à qui leur direction refuse une montée en charge de la reprise d'activité, parce que l'ARS veut garder prêts des services entiers, qui sont pourtant vides à l'heure actuelle ! Dans ma clinique, toutes les vacations au bloc ont été réduites de moitié, alors que nous n'avons plus qu'un seul patient atteint du Covid-19 en réanimation ! »
Réactivité des équipes
Des situations difficiles à comprendre pour les libéraux, d'autant que toutes les précautions de sécurité sanitaire ont été prises dans les cliniques (distanciation sociale, échelonnement des rendez-vous, hygiène renforcée, séparation des flux Covid+ et non Covid), via notamment une charte d'engagement diffusée par la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP).
« La crainte d'une deuxième vague est compréhensible, mais nous avons prouvé que nous étions capables de vider nos services et de tout stopper en moins de 48 heures, nous pourrons donc le refaire. Après, si l'on nous bloque à cause du manque de produits anesthésiants (propofol, curares), dans ce cas l'État doit être transparent et nous associer à la gestion de la mise à disposition des produits. Mais nous voulons reprendre le travail et soigner nos patients », conclut le Dr Devulder.
* Avenir Spé, Le BLOC, CSMF, FHP, FMF, Jeunes Médecins, MG France, SML, SNARF.
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