LE CONSEIL D’ÉTAT a rejeté le 28 mars dernier le pourvoi du Dr B., condamné en première instance par la chambre disciplinaire du conseil de l’Ordre des médecins d’Ile-de-France à une interdiction d’exercer pendant 1 an, peine réduite en appel à 3 mois avec sursis. Le médecin est reconnu coupable de complicité d’exercice illégal de la médecine pour avoir confié à ses assistants des actes d’épilation avec un appareil laser.
Dans le fond, l’affaire pose la question de la médicalisation de l’épilation au laser. Les textes législatifs prêtent le flan à des interprétations divergentes. Un arrêté de 1962 (alors que l’épilation au laser n’existait pas) fixe la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins, dont « tout mode d’épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire ».
En 1974, un arrêté portant sur les procédures d’homologation des différents appareils laser, stipule, au détour d’une phrase, qu’ils doivent être « utilisés par un médecin ou sous sa responsabilité ». D’aucuns veulent y voir une première ouverture vers la délégation de tâches.
La jurisprudence qui se superpose à ces arrêtés a depuis complexifié ces interprétations. En 2005, la cour de cassation rejette le pourvoi d’un médecin accusé d’exercice illégal de la médecine non parce qu’il a délégué des actes d’épilation, mais parce qu’il n’exerçait aucune surveillance sur ses assistants. En 2008, la chambre nationale de l’Ordre des médecins, s’appuyant sur l’arrêté de 1974, estime que des « actes d’épilation au laser peuvent être réalisés par des non-médecins à condition qu’ils agissent sous la responsabilité d’un médecin et qu’ils aient la compétence suffisante ».
Mais la dernière décision du Conseil d’État, qui juge que l’arrêté de 1962 n’est ni abrogé ni modifié par celui de 1974 (parce qu’il se borne à définir les appareils laser pouvant être homologués), semble plus restrictive.
La délégation dans l’air du temps.
Depuis les travaux du Pr Yvon Berland concrétisés dans la loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST), l’intérêt d’une délégation encadrée (c’est-à-dire sous la responsabilité du médecin) de certains actes d’épilation laser fait de plus en plus consensus. « Nous souhaiterions une délégation à des assistants formés et diplômés, comme celle qui existe avec les manipulateurs radio, les infirmières, ou encore les orthoptistes, sous délégation médicale », affirme le Dr Luc Sulimovic, président du syndicat national des dermatologues-vénéréologues (SNDV).
Le Dr Dominique Debray, président du tout jeune syndicat national des centres de laser en dermatologie (SNCLD) enfonce le clou : « le seul avenir, c’est la délégation à des professionnels ». « Des opératrices qui répètent ces actes tous les jours sont plus efficaces que des médecins qui les pratiquent peu, et les feront payer beaucoup cher (avec l’augmentation de la TVA, le prix augmenterait de 60 % pour le patient). En outre il n’y a pas besoin de 9 ans d’études pour épiler au laser », estime-t-il. Selon le SNCLD, l’interdiction de toute délégation conduirait à détruire 1 000 emplois d’opératrices laser, qui seront remplacés par autant de médecins, au détriment de leurs tâches cliniques.
Une profession à encadrer.
À la différence des manipulateurs en radiologie ou des orthoptistes, il n’existe pas encore de profession spécifique aux actes d’épilation laser. Les médecins généralistes et dermatologues plaident donc en faveur de la mise en place d’une formation, condition sine qua non de toute délégation. Mais les professionnels ne s’accordent pas sur le détail de la formation des assistants. Le SNDV a proposé un diplôme d’assistants en dermatologie, reconnu par la commission nationale de la certification professionnelle, mais encore en cours de validation au ministère de la Santé. Le Dr Dominique Debray estime de son côté nécessaire un niveau de compétence équivalent à trois ans de formation. Au-delà d’un éclaircissement des textes législatifs, son syndicat demande donc un arrêté créant une nouvelle profession de paramédicaux et un moratoire des poursuites disciplinaires afin de mettre en place une délégation des actes encadrée.
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