PRESQUE DIX ANS après le mouvement de grève des gardes inédit des médecins généralistes (2002), à quoi ressemble la permanence des soins en France ? L’enquête très documentée (1) du Conseil national de l’Ordre des médecins sur « l’état des lieux de la PDS en médecine générale en janvier 2011 » (la huitième du genre) dresse un tableau globalement acceptablet (organisation territoriale, implication des médecins) mais qui masque de sérieuses difficultés quand on y regarde de plus près. « Dans une majorité de départements, la PDS fonctionne bien et donne satisfaction aussi bien aux patients qu’aux médecins », constate l’Ordre. Qui jette néanmoins une pierre dans le jardin des toutes jeunes agences régionales de santé (ARS), désormais aux manettes de la PDS, mais passives sur ce dossier. « Au 1er janvier 2011, on constate que les ARS se mettent progressivement en action et que la PDS en médecine ambulatoire n’est pas nécessairement leur dossier prioritaire », épingle le rapport ordinal. A l’inverse, l’Ordre met volontiers en avant... son propre savoir-faire (« les conseils départementaux ont réussi le plus souvent à faire prévaloir des solutions adaptées aux situations locales ») et affiche sa volonté de garder la maîtrise du dossier. Panorama de la « nouvelle » PDS.
• Secteurs de garde : la baisse continue
L’Ordre recense 2 331 secteurs de garde en janvier 2011. Même si elle a été faible en 2010, la diminution régulière enregistrée depuis 2003 ne se dément pas. Le nombre de secteurs était de 2 412 l’an passé, 2 552 en 2009, 2 696 en 2008... et 3 770 en 2003. En huit ans, la PDS a donc perdu plus d’un tiers de secteurs ! L’an passé, ce mouvement a touché un quart des départements. Parfois la réorganisation est radicale : la Haute-Vienne a perdu plus de la moitié de ses secteurs en un an, passant de 29 à 12… Deux départements s’illustrent par leur grand nombre de secteurs : 64 dans les Bouches-du-Rhône, 54 dans le Pas-de-Calais. À l’inverse, la ville de Paris ne constitue qu’un secteur unique !
Incongruité : dans une dizaine de départements, note l’Ordre, ces regroupements « se sont faits en marge de tout arrêté de sectorisation ».Le plus souvent, la resectorisation s’opère en concertation avec les médecins concernés. Mais parfois, le redécoupage est subi et conflictuel.
• Samedi après-midi : les ruraux les plus pénalisés
La PDS est organisée et financée le samedi après-midi dans plus de 80 % des départements (l’Aveyron et la Haute-Vienne sont les derniers en date). Mais, insiste l’Ordre, les départements dans lesquels la PDS n’est toujours pas indemnisée sont des secteurs ruraux où les médecins sont déjà très sollicités, y compris le samedi après-midi, dans des conditions difficiles (Ariège, Tarn, Vosges…). En clair, les « objectifs comptables » du système actuel (paiement des astreintes gagé par une diminution du nombre de secteurs) pénalisent des médecins en zones rurales sous-dotées. Absurde.
• À minuit, on s’arrête de plus en plus
« Dans presque la moitié des secteurs », la PDS assurée par les médecins libéraux s’arrête désormais à minuit. Ce processus d’arrêt de la garde à minuit « s’étend lentement mais inexorablement », relève l’enquête ordinale (22 nouveaux secteurs l’an passé). Cette adaptation reflète une attente des praticiens. Les maisons de garde s’arrêtent de fonctionner à minuit.
La question du relais avec les services hospitaliers reste « délicate et souvent survolée » par les cahiers des charges PDS. L’administration, lit-on dans le rapport, « ne s’engage que rarement sur le déplacement d’un effecteur hospitalier en nuit profonde » À la lumière des témoignages recueillis sur le terrain, plusieurs conseils départementaux voient dans l’arrêt de la garde de nuit profonde une tendance inéluctable pour pérenniser la PDS (Somme, Vendée, Meuse, Jura). Certains plaident carrément pour l’arrêt total de la garde de nuit.
• Moins de volontaires, davantage de tableaux incomplets
D’une façon générale, se réjouit l’Ordre, les médecins généralistes libéraux s’impliquent toujours en majorité dans la PDS (voir carte). Le pourcentage de volontaires « est supérieur à 60 % dans 71 % des départements », peut-on lire. Mais l’analyse « département par département » traduit une érosion du volontariat.
Les raisons ? Démographie déclinante, manque d’installations nouvelles, difficultés locales (financement des MMG, protection insuffisante des médecins effecteurs…). Enfin, l’élargissement du volontariat (remplaçants, salariés) « a du mal à se concrétiser ». À noter que les conseils départementaux reçoivent des tableaux de garde incomplets « plus nombreux » qu’avant, signe que la situation s’aggrave.
• Moins de réquisitions
En 2010, l’Ordre se félicite d’une « nouvelle diminution » du nombre de départements (28) dans lesquels des réquisitions préfectorales ont été effectuées (y compris les cas où il n’y en a eu qu’une seule). Dans ces 28 départements, les conseils ordinaux signalent que le nombre de réquisitions « ne concerne qu’un nombre infirme de praticiens ». Des chiffres « encourageants » pour l’Ordre, mais au prix de secteurs et de tableaux laissés parfois incomplets par les préfets.
• Gardes médico-administratives : pas de progrès
L’organisation d’une garde spécifique pour les actes médico-administratifs (personnes gardées à vue, certificats de décès) n’a pas évolué. Les visites sont le plus souvent gérées par les médecins de garde.
Dans certains départements, des dispositifs déjà opérationnels impliquent les unités médico-judiciaires (UMJ), les services d’urgence, SOS médecins (à Paris)…
• Triomphe de la régulation médicale libérale
Pivot d’une PDS bien organisée (la demande étant filtrée), la régulation médicale libérale a le vent en poupe. Elle implique désormais 2 316 médecins en France. La participation de praticiens libéraux est effective dans 97 % des départements (l’Yonne est le dernier en date avec REGULIB et un numéro d’appel dédié). Dans 36 départements, la régulation médicale de la PDS passe par un numéro spécifique (souvent partagé avec le Centre 15). Et dans 90 % des cas, le système donne satisfaction aux médecins de garde.
• 309 sites dédiés à la PDS
Il existe désormais 309 sites identifiés (points de garde postés, MMG...) consacrés à la PDS (82 départements concernés, 18 en sont dépourvus). Malgré la montée en puissance de ces structures (+6 % en un an), les conseils départementaux ordinaux restent inquiets sur « la fragilité » de leur financement.
(1) Enquête nationale réalisée par le CNOM pendant le mois de janvier 2011. Questionnaire comportant 38 questions fermées et 9 questions ouvertes adressé aux 100 conseils départementaux de métropole et d’Outre-Mer. Questionnaire prolongé par des contacts téléphoniques avec les responsables PDS au sein de chaque conseil départemental. L’enquête sera présentée aujourd’hui au CNOM en séance plénière (elle est en ligne sur le site de l’institution).
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