À l’issue de huit heures de négociations hier, les syndicats de libéraux ont enfin obtenu de la part de l’Assurance-maladie le tant attendu niveau 1 de consultation, pour les médecins qui participeraient à l’engagement territorial.
À 21 heures, dans une ambiance tendue, Thomas Fatôme a proposé à ses partenaires conventionnels de fixer la consultation de base des généralistes à 30 euros, 35 euros pour les spécialistes. Une revalorisation conditionnée à la signature du fameux Contrat d’engagement territorial (CET).
30 euros applicables en 2025
La proposition de la caisse est toujours « inacceptable » pour le Dr Luc Duquesnel, président de la branche généraliste de la CSMF, « car si le CET embarque 40 % des généralistes, il en laisse 60 % sur le carreau », regrette-t-il. Hier soir, les syndicats ont d’ailleurs eu la mauvaise surprise d’apprendre que ce niveau 1 « majoré » à 30 euros ne serait applicable qu’à partir 2025.
Car, pour dresser le tableau de bord de chaque praticien, la Cnam « souhaite se baser sur les données de 2024, pour appliquer le nouveau tarif au 1er janvier 2025 », raconte la Dr Corinne La Sauder, présidente de la FMF. Les indicateurs intégrés dans le CET - file active, participation à la PDS-A, accueil d’un stagiaire - seront ensuite revus tous les six mois. « Comment voulez-vous embaucher de manière pérenne dans ces conditions ? », s’insurge la présidente de la FMF.
La Cnam pousse au tiers payant
De même, en considérant le temps de la signature de la convention et de sa publication au Journal officiel, les confrères devront attendre la fin de l’année 2023 - « voir début 2024 », estime Corinne Le Sauder - pour bénéficier de la revalorisation inconditionnelle d’1,50 euro sur tous les actes cliniques. « Avec ça, on ne risque pas de casser l’Ondam », ironise-t-elle.
Dernière « entourloupe », pour la présidente de la FMF, hier soir, la caisse a invité tous les confrères « à pratiquer systématiquement l’avance des frais sur la part AMO ». « La Cnam ne souhaite pas que les patients se rendent comptent des deux tarifs - 26,50 euros et 30 euros - et propose que soit mis en place un tarif unique de prise en charge AMC », raconte Corinne Le Sauder.
Deux avancées ont toutefois été annoncées hier : la consultation à 60 euros pour l’inscription de nouveaux patients en ALD sera ouverte à tous les médecins hors CET et de nouvelles dérogations seront possibles sur le cumul des actes techniques et cliniques, ciblées pour une poignée de spécialités comme l’endocrinologie, la rhumatologie ou la gynécologie.
Le CET, « un contrat de travail »
Devant ses partenaires, Thomas Fatôme a, à nouveau, présenté une nouvelle version du CET. Dans la première case - augmentation de l’offre médicale - les généralistes auront désormais le choix entre embaucher un assistant médical, atteindre une file active de 1 800 patients, de 1 200 patients médecin traitant ou augmenter de 60 patients par an leur file active ou 50 leur nombre de patient médecin traitant.
Pour le Dr Duquesnel, ce contrat est « une catastrophe à venir » pour la médecine générale. « Nous, les généralistes, avons déjà montré que l’on pouvait s’engager, nous n’avons pas besoin d’un contrat pour le faire, martèle-t-il. Le risque c’est que les médecins qui ne sont pas dans le CET, mais qui font de la PDSA par exemple, arrêtent totalement de le faire », détaille-t-il. Désormais, beaucoup de confrères « considèrent le CET comme un contrat de travail, je crains pour l'avenir de la médecine traitante et du régime conventionnel, c’est dramatique », réagit le généraliste de Mayenne.
De son côté, l’Union française pour une médecine libre (UFML-S) rappelle elle aussi que la profession « s’engage » et « essaie de faire face à une demande de soins explosive ». Pour le syndicat du Dr Marty, « cette convention va engendrer des déplacages, un effondrement de la participation à la permanence des soins et ne va pas favoriser les installations ».
Les spécialistes, oubliés ?
Dans la même veine, le Syndicat des médecins libéraux (SML) dénonce lui aussi une stratégie de la caisse visant à « corseter pour des miettes rémunératrices ». Par ailleurs, le SML regrette « que Thomas Fatôme assume une convention à visée des généralistes aux dépens des autres spécialistes ». Les spécialistes devront, eux aussi, avoir signé le CET pour bénéficier des trois niveaux de consultations majorées : 35, 40 et 60 euros.
En séance ce mercredi, la Caisse a d’ailleurs précisé les prérequis attendus pour les spécialistes, en termes d’engagement territorial et de file active. Ainsi, pour adhérer au CET, la file active à atteindre sera définie en fonction de chaque discipline : 2 800 patients pour les dermatologues par exemple, 2 100 pour les gynécologues médicaux et pour les cardiologues ou 9 000 pour les radiologues. Les spécialistes pourront aussi opter, s’ils préfèrent, pour une évolution annuelle de leur file active (+90 pour les dermatos, +100 pour les ophtalmos par exemple), pour l’emploi d’un assistant médical ou encore s’engager sur 220 jours de travail par an.
« En l’état, personne ne signe ! »
Alors que l’ultime séance de négociation débutera ce jeudi à 16 heures, l’avenir de la convention médicale n’a jamais été aussi incertain. « En l’état, personne ne signe ! », anticipe Corinne Le Sauder. « Les négociations n’ont réellement commencé que la semaine dernière ! », regrette pour sa part le Dr Duquesnel, qui craint lui aussi « un échec annoncé de la convention ».
Malgré une ambiance pessimiste, les confrères tenteront à nouveau de faire bouger les lignes. La question des visites à domicile et des majorations de déplacement devraient notamment être abordées ce soir. « La balle est dans votre camp monsieur Fatôme », conclut le SML. La séance pourrait se poursuivre jusque tard dans la nuit.
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