Instaurée dans le cadre de l’avenant 8 à la convention médicale, la nouvelle procédure de sanctions conventionnelles en matière de pratiques tarifaires excessives se transforme en guerre de tranchées entre les syndicats de médecins libéraux et l’assurance-maladie, dans un climat pollué par l’incertitude qui entoure le décret attendu sur les contrats responsables et le sort du secteur II.
En mars, quelques pénalités symboliques avaient été prononcées en Ile-de-France et en PACA, les toutes premières depuis l’adoption de l’avenant 8 en octobre 2012.
« Pas de solvabilisation, pas de sanctions ! »
Mardi dernier, la CSMF a annoncé avoir « claqué la porte » de la réunion de la commission paritaire régionale d’Ile-de-France (CPR, formée de représentants des syndicats médicaux et de l’assurance-maladie) qui devait examiner les dossiers d’une demi-douzaine praticiens dans le cadre de cette procédure pour tarifs abusifs.
Le syndicat a justifié son boycott par le « flou inquiétant » qui caractérise la traduction d’un autre volet de l’avenant 8, à savoir la prise en charge par les complémentaires santé des dépassements maîtrisés dans le cadre du contrat d’accès aux soins (CAS) signé par 11 000 praticiens. Pour la CSMF, « pas de solvabilisation du CAS par les complémentaires, pas de procédure pour pratique tarifaire excessive ». Une façon explicite de faire pression sur le gouvernement qui doit rendre prochainement ses arbitrages sur le cahier des charges des contrats responsables (qui bénéficient d’aides fiscales et représentent 90 % des contrats).
La FMF s’est-elle aussi retirée, condamnant une « chasse aux médecins libéraux » et des « tribunaux d’exception ».
« Eau de boudin »
Mercredi cette fois, la réunion de la commission paritaire nationale (CPN, qui examine les dossiers litigieux en dernier ressort) a donné lieu à un nouvel épisode édifiant de ce bras de fer sur les sanctions.
Les syndicats et l’assurance-maladie étaient réunis pour se prononcer sur le cas d’un (unique !) médecin généraliste (MEP) de secteur II, qui exerce à Grasse, avec un dépassement moyen de 213 % du tarif opposable (consultation facturée autour de 70 euros). Résultat : aucun syndicat n’a voulu se prononcer, la séance aboutissant à un constat de carence (et à un nouveau délai).
La CSMF, fidèle à sa stratégie, a « refusé de statuer », jugeant que les conditions de l’accord de l’avenant 8 ne sont plus remplies. « Pas de compléments d’honoraires solvabilisés, pas de sanctions », a twitté le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Le syndicat se refuse à examiner tout nouveau dossier tant qu’il n’aura pas de garantie sur le remboursement des dépassements maîtrisés. Le Syndicat des médecins libéraux (SML) s’est lui aussi retiré.
MG France a également quitté la séance. Joint par « le Quotidien », son président, le Dr Claude Leicher, estime que cette procédure conventionnelle « tourne en eau de boudin ». Dossiers présentés puis retirés, « tractations entre la CNAM et les syndicats de secteur II »... : il dénonce des « dysfonctionnements évidents » et estime que la gestion conventionnelle des tarifs abusifs « ne fonctionne pas mieux que la gestion ordinale ». Alors que la campagne pour les prochaines élections professionnelles se profile déjà, le syndicat de généralistes n’a pas l’intention, surtout, de porter seul la responsabilité des pénalités infligées aux médecins de secteur II. « Il faut une co-responsabilité partagée dans cette affaire, explique le Dr Leicher au « Quotidien ». MG France n’est pas là pour faire la police du secteur II ».
Pas en reste, la Fédération des médecins de France (FMF), hostile à toute procédure punitive, a choisi également de refuser de voter. Le Dr Jean-Paul Hamon, président du syndicat, ne cache plus son exaspération. « On perd son temps, on fait la chasse à quelques médecins des beaux quartiers, qui n’ont pourtant aucune plainte de patients et affichent leurs tarifs. Ça ne réglera pas à l’accès aux soins. Tout ça ne ressemble à rien ».
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