« Réguler davantage les installations » : ce n'est pas une rupture mais néanmoins une inflexion majeure dans sa doctrine sur les déserts médicaux. Présentant son projet présidentiel à la presse, ce jeudi après-midi, Emmanuel Macron s'est, pour la toute première fois, montré favorable à une forme de conventionnement sélectif dans les zones surdenses. « Ce vers quoi je souhaite qu'on avance c'est de stopper les conventionnements dans les zones qu'on considère comme déjà bien dotées, a avancé le candidat à l'Élysée. C'est un mécanisme qui est efficace. Ensuite, je veux dégager du temps des médecins installés dans les zones bien dotées pour faire des consultations dans les zones en demande ».
Mais pas question de basculer dans la coercition totale, bien au contraire. Pour combattre la désertification médicale, il faut « déployer beaucoup plus fortement les politiques incitatives », a-t-il plaidé, après avoir salué, dans son propos liminaire, à la fois le dispositif des assistants médicaux et celui des infirmières salariées des maisons de santé, deux mesures qu'il souhaite étendre. Dans son projet, le développement de la téléconsultation et les télé-expertises a également vocation à être poursuivi.
4e année d'internat de médecine générale
S'agissant de la quatrième année d'internat de médecine générale, « une demande des étudiants », celle-ci pourra permettre « le renfort » dans les zones rurales, sans que l'obligation soit envisagée pour autant, a-t-il précisé. Mais pour que davantage de semestres y soient réalisés, « il pourrait y avoir une politique d'incitation passant par une meilleure rémunération et un meilleur accompagnement, en termes de logement par exemple », imagine Emmanuel Macron.
Après avoir rappelé la fin du numerus clausus et l'augmentation sensible du nombre d'étudiants en médecine sous son quinquennat, il a estimé que « si on rentrait dans un système contraignant complet immédiat, on risquerait de désinciter et beaucoup de médecins quitteraient la profession pour travailler ailleurs ».
Selon le Président, lui-même fils de médecin, « beaucoup de jeunes sont prêts à s'installer, simplement ils ne veulent plus de la vie du médecin de campagne, celui qui est en train de partir à la retraite ou qui est déjà parti ». Défendant des « logiques contractuelles territoriales », il a vanté également le travail des maires auxquels « il faut donner plus de leviers ». « Je crois plutôt à l'incitation et je suis prêt à mettre des moyens de manière différenciée », a-t-il synthétisé souhaitant également une « participation plus large aux gardes et aux astreintes dans le garde du service d'accès aux soins » (SAS), un dispositif inspiré par l'un des trois référents santé de son programme, le Dr François Braun.
Pharmaciens et infirmiers référents
De façon plus inattendue, Emmanuel Macron a suggéré que les assurés puissent désigner des pharmaciens et des infirmiers référents pour « certains actes simples », comme des « renouvellements d'ordonnances », pour ne plus avoir à attendre plusieurs mois ou devoir faire une heure de voiture pour un rendez-vous chez un généraliste.
La question de l'hôpital a, en revanche, été peu évoquée par le candidat Macron. « Nous allons poursuivre les réformes qui ont été commencées à l'hôpital sur la rémunération des praticiens hospitaliers et de l'ensemble des professionnels de santé, ainsi que celles sur l'organisation et les investissements », rappelant les 19 milliards d'euros du Ségur de la santé. Il a également fait allusion à la « crise de sens » des soignants à l'hôpital due, selon lui à un « manque de reconnaissance » et à « la volonté de retrouver du sens à la mission ».
Pas de Grande Sécu
En revanche, le président de la République sortant a clairement fermé la porte à l'hypothèse d'une Grande Sécu qui a fait l'objet, cet hiver, d'un rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'Assurance-maladie (Hcaam), à la demande de son ministre de la Santé. « Je ne crois pas dans le modèle d'une cathédrale unique, d'autant que nous avons suffisamment de travail et qu'il ne faut pas créer de l'instabilité », a-t-il balayé, tout en reconnaissant la nécessité d'une réflexion sur la bonne coordination entre l'Assurance-maladie obligatoire et les complémentaires.
En matière de santé publique, Emmanuel Macron a vanté son bilan dans le domaine de la prévention et il envisage des bilans de santé à 25, 45 et 60 ans. En outre, il s'est déclaré « toujours pas favorable à la législation du cannabis ».
Sur les questions de société, il continuera à proscrire la pratique de la gestation pour autrui (GPA). Il a décrit très largement ses réserves sur l'allongement du délai d'interruption volontaire de grossesse de 12 à 14 semaines, voté par le Parlement mais qu'il n'entend pas remettre en cause pour autant. Comme François Hollande l'avait accompli en son temps, il souhaite faire de la fin de vie l'objet d'une « convention citoyenne », laquelle pourrait ensuite donner lieu à un référendum ou un projet de loi.
Grande conférence sur la santé
Parallèlement à cette longue conférence de presse, Olivier Véran, venu vanter le bilan du président-candidat lors d'un grand oral santé organisé par la Fédération hospitalière de France (FHF), a lui aussi commencé à dévoiler ce jeudi quelques éléments du nouveau programme santé d'Emmanuel Macron. La priorité sera de « faire reculer les déserts médicaux en nous appuyant sur les coopérations entre professionnels », mais « sans brusquer (ni) rogner sur la sécurité des soins ».
« Cela se fera dans le cadre d'une grande conférence des parties prenantes », associant professionnels de santé, collectivités locales et représentants des usagers, où « la question des rémunérations, notamment pour l'exercice libéral » serait mise sur la table, a-t-il ajouté, sans préciser si cela se traduirait par une hausse des tarifs de consultation.
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