CINEMA - « Le Grand Soir », de Benoît Delépine et Gustave Kervern

Anarchie douce

Publié le 06/06/2012
Article réservé aux abonnés
1338945074353932_IMG_85191_HR.jpg

1338945074353932_IMG_85191_HR.jpg
Crédit photo : DR

QUI CROit encore, dans nos contrées supposées évoluées, au grand soir, celui où tout va basculer ? Pas même les réalisateurs, malgré ce que pourrait laisser croire « Groland », leur émission iconoclaste. « Notre idée est que c’est déjà à chacun de faire en soi la révolution », dit Benoît Delépine. C’est pourquoi le 5e film des cinéastes de « Louise-Michel » et de « Mammuth » n’est pas un appel à la révolte, ne veut pas donner envie aux jeunes de tout casser. D’ailleurs Delépine et Kervern modifient à tout moment leur scénario, y compris en court de tournage, et même s’ils ont une histoire précise à raconter, vont là où leur inspiration et leurs acteurs les conduisent.

Seule certitude, ils voulaient mettre en scène un punk à chien, quelqu’un qui arrive à être libre et autonome, une sorte de Diogène moderne. Incarné avec plusieurs grains de folie, crête sur le crâne à l’appui, par Benoît Poelvoorde, le personnage, nommé Not, a un frère qui ne lui ressemble pas du tout, vendeur dans un magasin de literie (Albert Dupontel). L’action se passe dans un centre commercial (à Bègles), où les parents des deux hommes tiennent une pataterie (Brigitte Fontaine, Areski Belkacem). Quand le frère rangé est licencié, tout va dérailler et la famille va contribuer à mettre une belle pagaille dans le temple de la consommation. Dupontel, qu’on sait lui aussi capable de bien des extravagances et Brigitte Fontaine vont s’en donner à cœur joie.

Ce « western moderne » ayant été sélectionné au festival de Cannes dans la section Un certain regard, auteurs et comédiens y ont mis un joyeux bordel, le temps d’une journée. Si le film ne révolutionne pas le cinéma et n’est pas aussi drôle qu’on aurait pu l’espérer, s’il est moins convaincant, dans sa description sociale que « Mammuth », il vaut en tout cas par l’énergie et l’imagination de ses protagonistes. On ne sait pas si les punks s’y reconnaîtront, mais les spectateurs apprécieront ce regard anar qui ne fait pas de mal.

RENÉE CARTON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9137