Thierry Lefebvre, directeur de « La Revue d'histoire de la pharmacie », et Cécile Raynal, pharmacienne et membre de la société d'histoire de la pharmacie, publient « Médicaments, polémiques et vieilles querelles* » (éd. Belin), un ouvrage qui tente de remettre à l'heure les pendules de la santé, entre actualité et références historiques.
Le trafic de faux médicaments, par exemple, ne date pas d'aujourd'hui… L'ouvrage rappelle qu'un siècle à peine après J.-C., le Grec Dioscoride d'Anazarbe recensait déjà de nombreuses falsifications de la pharmacopée de l'époque ; au XIIe siècle, le manuel d'inspection des fraudes d'Al Shayzari (un savant arabe) signalait lui aussi une multitude de tromperies, notamment sur l'opium égyptien. Plus récemment, pendant l'épidémie de typhoïde de 1882, des milliers de patients hospitalisés à Paris furent traités à l'aide de sulfate de quinine frelaté, causant un grand nombre de morts. Nos modernes faussaires n'ont rien inventé !
L'usage thérapeutique du cannabis a fait couler beaucoup d'encre, provoquant de nombreuses levées de boucliers. Mais les auteurs relèvent que cet emploi était déjà mentionné voici 2 000 ans dans la pharmacopée chinoise. Au XIXe siècle en France, le Dr Louis Rémi Aubert-Roche fut le premier à préconiser l'usage médical de ce produit. L'extrait de chanvre indien fit même son entrée en 1866 dans la 3e édition de « la Pharmacopée française », ouvrage de référence de l'époque. Il fallut attendre un décret de 1953 pour en interdire tout usage thérapeutique.
Pots-de-vin
De la même manière, l'opposition à la vaccination remonte loin. Bien avant Pasteur, la « variolisation », qui consistait à inoculer aux enfants une forme bénigne de la variole pour les protéger d'une attaque ultérieure, a rencontré de farouches opposants. En 1730, à Boston (États-Unis), un médecin qui la pratiquait dut se cacher pendant des semaines pour échapper à l'opposition féroce de ses pairs.
Impossible dans un tel ouvrage de faire l'impasse sur les conflits d'intérêts, vieux comme le monde. En 1508, rappellent les auteurs, « les pots-de-vin devaient être légion » puisque le statut des apothicaires rouennais leur interdisait déjà le compérage avec les médecins, sous peine d'amende, voire d'interdiction d'exercice.
En 1881, un pharmacien parisien dénonçait le fait que des médecins et des officinaux avaient conjointement des parts dans des entreprises exploitant des produits pharmaceutiques. Et en 1933, un médecin désargenté du nom d'Alfred Curie – sans aucun lien avec les découvreurs du radium – vendit son nom à un fabricant de médicament « embellissant et curatif ». Tho-Radia, à base de radium, élaboré « selon la formule du Dr Alfred Curie », connut un réel succès commercial…
* Éditions Belin, 174 pages, 17 euros
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