Un écrivain, deux femmes
Au premier chef « Crazy Cock » (1), un roman de jeunesse d’Henry Miller (1891-1980), écrit avant le fameux « Tropique du Cancer » (1934), resté inédit jusqu’à sa publication par Belfond en 1991 et réédité dans sa précieuse collection Vintage. Comme la majorité de l’œuvre de Miller, il s’agit d’un récit fortement autobiographique, sulfureux et gorgé de désespoir, qui se déroule dans le Greenwich Village interlope des années 1920. Un écrivain à la recherche du succès, pour complaire à son épouse bohème et frivole, accepte difficilement que celle-ci installe chez eux une jeune femme rencontrée dans un bar et marquée par son passage en asile psychiatrique. Est-elle sa maîtresse, que cherche-t-elle ? Ses questions douloureuses finissent par plonger un à un les personnages dans la folie.
Du fantastique à l’érotique
Cosigné Oscar Wilde & Nicole Audrey Spector, « Dorian Gray - Le portrait interdit » (2) est une réécriture érotique et au-delà de l’unique roman d’Oscar Wilde, écrit en 1890, qui intéressera les fans du dramaturge et poète irlandais ainsi que les amoureux du beau Londonien séduit par l’art et à la recherche du plaisir – et eux seuls. Nicole Audrey Spector, dont on sait seulement qu’elle vit à Brooklyn, a féminisé le récit, puisque le peintre est devenu une femme, Rosemary, et le corrupteur de Dorian Gray s’appelle Helen. Mais surtout elle s’est livrée à une surenchère côté sexe, dans un livre présenté comme « un mélange de débauche victorienne à l’ancienne et d’érotisme décomplexé du XXIe siècle (...) encore plus torride, obscène, excitant, brûlant et moralement corrompu que l’histoire originale ».
Le sexe conjugal
Charlotte Roche est une jeune femme (35 ans) qui s’est fait connaître en Allemagne en animant une émission télé underground et dans le reste du monde en 2008, avec un premier roman, « Zones humides », devenu un best-seller international. « Petites morts » (3) surfe sur la vague de ce succès, qui commence par une scène de fellation et se clôt sur une séance de sodomie, mais le roman, en partie autobiographique, va plus loin. La jeune fille qui, dans le premier livre, revisitait crûment sa vie sexuelle, est ici une mère de famille qui ne parvient à vivre qu’en accomplissant avec art et ardeur son devoir conjugal – à côté de quelques rendez-vous avec un psy. On découvre au fil des pages les raisons de son traumatisme.
Une géopolitique du derrière
Sociologue et directeur de recherches au CNRS, Jean-Claude Kaufmann développe, avec sérieux et humour, un sujet qui nous concerne tous et qui est l’enjeu d’une véritable guerre planétaire. Dans « la Guerre des fesses » (4), il montre, après enquête, pourquoi et comment les fesses n’ont jamais été autant torturées. Il décrypte la tyrannie des normes imposées aux femmes par le regard supposé de l’autre, plus encore que par leur propre regard, qui varie suivant les modes et les époques. Il nous entraîne dans une étonnante géopolitique du derrière, les rondeurs appréciées au Sud opposées à la minceur décrétée au Nord, rappelant que la haine des fesses est une particularité de l’Occident chrétien, qui tente d’imposer sa vision des choses. La guerre a bien lieu et, prévient-il, « il faut suivre les fesses de très près pour comprendre où va le monde ».
Portraits d’auteurs gays américains
Christopher Bram consacre un essai aux « Anges batailleurs » (5), les romanciers, dramaturges et poètes homosexuels dont les écrits, depuis la Deuxième Guerre mondiale, ont témoigné d’une évolution sociale profonde et inattendue. Des hommes considérés à l’origine comme des hors-la-loi et regardés aujourd’hui comme des pionniers, voire des pères fondateurs. Ils s’appellent Truman Capote, Gore Vidal, Tennessee Williams, James Baldwin, Allen Ginsberg, Christopher Isherwood, ou, plus près de nous, Edmund White, Tony Kushner, Armistead Maupin. L’auteur, lui-même romancier gay (il a publié neuf romans, dont « le Père de Frankenstein », adapté au cinéma sous le titre « Ni dieux ni démons »), a privilégié les écrivains dont les récits sont les plus vivants, et l’on retrouve dans son ouvrage grand nombre d’anecdotes et de portraits originaux. Une invitation pressante à découvrir ou à relire quelques-uns des plus grands auteurs américains sous un jour inédit.
(1) Belfond, 319 p., 18 euros.
(2) MA Éditions, 224 p., 14,90 euros.
(3) Flammarion, 337 p., 20 euros.
(4) JC Lattès, 260 p., 16 euros.
(5) Grasset, 412 p., 24 euros.
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