Bipolarité
Publié en 2000, « Comment tout a commencé » (1), du nouvelliste et romancier américain Pete Fromm (« Indian Creek »), vient d’être traduit. Le roman a pour thème l’amour inconditionnel et irrationnel entre Austin, un garçon d’une quinzaine d’années, et sa sœur Abilene, de cinq ans son aînée, dans une petite ville du Texas plantée au beau milieu du désert. Pour tromper l’ennui, ils jouent au base-ball. La jeune fille a décidé de faire d’Austin le meilleur lanceur de tous les temps et elle l’entraîne jusqu’à l’épuisement. Lui accepte tout de sa sœur, les exercices comme les sautes d’humeur, les lubies et ses disparitions et, même quand le mot de bipolarité est lâché et validé médicalement, il refuse la vérité. Sur fond de paysages arides et surchauffés, Pete Fromm donne une évocation bouleversante de la maladie, se contentant d’observer et de raconter l’irrésistible glissement des troubles jusqu’à ce que la cellule familiale vacille. Un roman très réussi.
Le salut par les livres
Troubles physiques récurrents, aggravés d’un syndrome de désorientation et d’une aphasie sporadique, le tout accompagné d’angoisses et de terribles insomnies : pendant plus de dix mois Jean-Yves Cendrey, auteur d’une quinzaine d’ouvrages, s’est enfoncé dans le néant et a été contraint d’abandonner l’écriture de son nouveau roman. Pour comprendre finalement que ses maux étaient dus aux ondes électromagnétiques environnantes. Sous-titré « Roman avorté et récit de mon mal », « Schproum » (2) est à la fois la chronique de cette dépossession de soi et un livre de combat appelant à une mobilisation générale contre ces ondes imposées et dont on continue de nier les effets dévastateurs. Un récit militant et littéraire.
Récompensé l’année dernière par le Goncourt de la poésie pour l’ensemble de son œuvre, Jean-Claude Pirotte – qui est poète, romancier et peintre – met en scène, dans « Brouillard » (3), un double à qui l’on vient d’annoncer qu’un ancien cancer, que l’on croyait guéri, a lancé des métastases dans tous ses organes. Alors que le soir et la mort approchent, il ouvre les carnets qu’il a noircis tout au long de sa vie. Il y est question d’un garçon qui détestait l’école, d’un jeune homme épris de poésie mais qui fréquentait des voyous, d’un mariage et d’une naissance aussi merveilleux qu’encombrants. Il y est question de fuite et de solitude, de culpabilité et de rachat par la littérature. D’une existence qui n’a « jamais été qu’une suite de brouillons », une vie de brouillard et des pages vibrantes de vie.
Will Schwalbe ne se dit pas écrivain. Journaliste puis éditeur, il dirige aujourd’hui le site culinaire à succès Cookstr.com, dont il est le fondateur. Cependant, le récit qu’il offre dans « le Parfum de ces livres que nous avons aimés » (4) est une déclaration d’amour aux livres, en même temps qu’à une chère disparue. L’ouvrage raconte comment, alors qu’il accompagnait sa mère – laquelle avait fondé la bibliothèque universitaire de Kaboul – à ses séances de chimiothérapie, ils s’étaient rejoints dans l’amour des livres ; et comment, à travers leurs lectures communes, ils dépassaient leurs peurs et leur chagrin pour échanger sur tout ce qui fait la vie. Un bel hommage, entre érudition et émotion.
La petite et la grande histoire… médicale
Au centre du livre de Christian Carisey, « la Maladie du roi » (5), il y a la fistule anale de Louis XIV. On sait que, devant l’impuissance des médecins du roi à le soulager, la grande opération a été tentée, avec succès, par son premier chirurgien, Charles-François Tassy ; qui, avant de s’attaquer au royal derrière, s’est fait la main sur 75 « fistuleux » de Paris. Ce n’est là qu’une des anecdotes évoquées dans ce roman historique concis, qui non seulement offre un historique du début de la chirurgie mais traite, en abordant les intrigues de la cour, les enjeux de succession et le jeu des espions, de la fragilité du pouvoir.
Dans « le Secret du docteur Barry » (6), un récit biographique romancé, Sylvie Ouellette s’est intéressée à James Miranda Barry, qui, au XIXe siècle, s’est distingué durant quarante ans comme médecin au sein de l’armée britannique, avant qu’on découvre, à l’heure de sa mort, qu’il était une femme. En tout cas un personnage exceptionnel, qui s’est acquis une réputation de chirurgien avant de servir en Inde, en Afrique du Sud et autres colonies britanniques où partout il a laissé son empreinte, par ses excentricités mais aussi par ses idées progressistes et ses réformes sanitaires. Des actions qui ont permis de sauver des milliers de vies à travers le monde – au détriment de sa propre personnalité.
(1) Gallmeister, 338 p., 23,70 euros.
(2) Actes Sud, 202 p., 19,80 euros.
(3) Le Cherche Midi, 142 p., 13,50 euros.
(4) Belfond, 413 p., 20,50 euros.
(5) Le Cherche Midi éditeur, 207 p., 15 euros.
(6) Éditions De Borée, 396 p., 21,90 euros.
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