CELA FAIT déjà un bon nombre d’essais que cet auteur, qui se définit comme « sans qualités », campe sur une position de tristesse sans aigreur ricanante. C’est bien simple, dit-il citant Gérard de Nerval, « la mélancolie est une maladie qui consiste à voir les choses comme elles sont ».
On voit quelle est sa famille. Clément Rosset, qui refuse que le réel se redouble de ce qu’il aurait pu être. Montaigne, La Rochefoucauld, Cioran sont convoqués. Et d’autres joyeux drilles moins connus, comme Balthasar Graciàn, Gómez Dávila, Caraco et, plus près de nous, Roland Jaccard.
L’attitude fondamentale de Frédéric Schiffter peut se cerner négativement : dans un travail sur « le Blabla et le Chichi des philosophes » (PUF, 2001), il brocardait l’enflure verbale et les poses des penseurs à la mode. Plus positivement, il contemple les facéties de cet être pour la mort qu’est l’homme, qui croit conjurer le néant par ses pitreries – « La plupart de nos vacations sont farcesques », notait déjà Montaigne. L’auteur raille les petits marquis, adeptes du découvrir son corps en respirant bien, ou les béats des métaphysiques nirvanesques. Bref, il n’a pas de doctrine, pas de thèse, sinon de redécouvrir, assis au bord des eaux héraclitéennes, que tout change et que nous ne sommes que de passage. Étonnant, non ?
Ce vide n’est que passager toutefois. Il est colmaté, si l’on peut dire, par les penseurs du néant. Bien sûr Schopenhauer, qu’il préfère à Nietzsche, avec ses enflures prophétiques. Cioran, également, guetté par la tentation d’exister, l’inconvénient d’être né, affirmant fièrement : « Je peux me tuer quand je veux. »
Reste que c’est pour notre plus grand plaisir que le livre débusque la mystification de l’Ecclésiaste, l’auteur confondu sous ce nom avec le livre, lequel donne la parole à Salomon, qui vécut 600 ans plus tôt. Il nous fait découvrir le tonique Caraco et son « Bréviaire du chaos » et rappelle le « principe de cruauté » cher à Clément Rosset. « Cruor », nous ne sommes que viande torturée par le réel.
Frédéric Schiffter a tout de même quelque accrochage à l’existence. Il aime le surf. Ainsi, l’intrépide « nihiliste balnéaire » sait-il monter à l’assaut de notre vague de l’âme.
Frédéric Schiffter, « le Charme des penseurs tristes », Flammarion, 166 p., 17 euros.
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