DIAMANTS et bijoux rares, champagnes et vins fins, toiles de maître, tourisme dans des contrées exotiques, grosses berlines, etc., le luxe fascine par son éclat, il brille de mille feux, et il est amusant de voir qu’une fausse étymologie le rattache à lux, la lumière.
Yves Michaud établit facilement que le luxe a toujours existé – en témoigne l’iconographie des civilisations anciennes. Et il existera toujours, si on songe que même les gens modestes s’accrochent à un petit plaisir qu’ils nomment « leur seul luxe ». Mais le livre évoque un « nouveau luxe », en ce que, au-delà des exemples un peu trop classiques évoqués, le luxe s’insère remarquablement dans les nouvelles stratégies économiques.
D’abord, c’est un secteur économique en grande expansion : un chiffre d’affaires de plus de 200 milliards d’euros en 2012. Le titre d’un chapitre contient la réponse : « La production industrielle du luxe ». Par le scintillement des marques se sont créées une démocratisation et une mondialisation du luxe. Un train qu’ont su prendre de grandes maisons telles que Vuitton, Gucci, Prada, Armani, Hermès, Chanel…
Distinction et plaisir.
Ce que ces marques ont bien capté, c’est que l’une des fonctions principales du luxe est d’établir des distinctions sociales, d’où un « effet de griffe » qui nous marque (« branded », disent les Anglo-Saxons, au sens où le bétail est marqué au fer de la propriété) et nous sépare à la fois des semblables et des « inférieurs ». Ces notations sont devenues triviales depuis les lointains travaux de Thorstein Veblen (« Théorie de la classe de loisir », 1899). Le résultat peut faire sourire, le même sac aux prestigieuses initiales exhibé partout par celles qu’un humoriste nommait les « unhappy many ».
On ne saurait réduire le luxe à la volonté de distinction, partant à un certain mépris. On recherche aussi les objets du luxe pour le plaisir qu’il donne, mais ces deux éléments ne sont pas facilement séparables. Autrui est omniprésent en moi, il habite le dégustateur raffiné d’un grand cru, celui qui caresse le bois de rose qui sculpte l’intérieur de sa puissante berline, et sent combien autrui est inclus-exclu de ses sensations.
Puisque cette chronique a l’arrogance de s’appeler « Idées », il faut bien tirer un peu d’ontologie d’un sujet qui risquerait d’être absorbé par l’économie et les statistiques. C’est donc à raison qu’Yves Michaud se fait métaphysicien vers la fin de son ouvrage. Y a-t-il chez celui qui prétend jouir totalement du luxe qui l’entoure ce que Freud nommait un « au-delà du principe de plaisir » ?
Rien ne sonne plus creux que la plénitude du luxe. Courant de Saint Barth aux Maldives, le touriste effaré n’y aura trouvé que lui-même. Un néant absolu guette le consommateur de produits rares et chers, qui finit par se lasser même de l’exhibitionnisme et découvre que le bonheur n’était pas au rendez-vous. Avec ou sans Rolex.
Yves Michaud, « le Nouveau Luxe », Stock, « les Essais », 180 p., 18 euros.
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