DANS le deuxième livre (après « Pangée ») d’Alexandre Grondeau (maître de conférences, géographe à l’université Aix-Marseille, également critique musical, spécialiste des musiques jamaïcaines), la réalité rejoint la fiction. « Génération H » (1) se situe au milieu des années 1990, au long d’un été où des copains nous invitent à un road-trip musical et haschisché. Leur vagabondage, en stop ou à pied, vers le Sud-Ouest, de festival underground en free party ou autres événements festifs, avec quelques expériences inédites et en consommant du cannabis à foison et sous toutes ses formes, est décrit comme un grand vent de liberté. Le haschisch n’est pas présenté comme une substance illicite mais comme la clé vers un langage commun et un mode de vie hédoniste.
D’une toute autre trempe est « Camaraderie » (2), la première œuvre de fiction d’un autre universitaire de la même génération, Matthieu Rémy, 37 ans, qui enseigne à l’université de Lorraine et travaille sur la contre-culture. Le livre rassemble 11 courts récits, qui sont autonomes mais ont pour fil conducteur cette période où les jeunes gens doivent prendre des « grandes décisions » : poursuivre des études ou entrer dans le monde du travail, former un couple ou jouer les séducteurs. Ils ne refont pas le monde mais, les pieds sur terre et le plus souvent ancrés dans un bistrot, ils se confortent mutuellement et, en écoutant les expériences des autres, tentent d’avancer leur propre pion.
Tragicomédie.
Finaliste de nombreux grands prix littéraires, dont le Man Booker Prize, traduit en une quinzaine de langues et en cours d’adaptation cinématographique, « Skippy dans les étoiles » (3) est le deuxième roman de l’écrivain irlandais Paul Murray. Skippy est un adolescent de 14 ans qui meurt dès les premières pages. Une fin aussi tragique que drôle, à l’image de ce qu’il a vécu, ou plutôt survécu, à Seabrook College, une très ancienne et très huppée institution catholique de Dublin.
Effacé et chétif, Skippy ne se distingue que par le bruit que font parfois ses dents proéminentes. Il n’est pas aussi doué que son meilleur ami, un génie des maths et de la physique – qui a le tort d’être obèse – ni aussi brillant que l’un ou l’autre de ses copains, tous plus ou moins décalés dans cet univers formaté. En plus, il est tombé amoureux de la plus jolie fille du pensionnat voisin, justement celle que la terreur du collège, et dealer occasionnel, veut s’approprier ! Sous le regard, au mieux indifférent, des soi-disant pédagogues en proie à leurs propres démons, on assiste à l’irrésistible descente aux enfers du garçon, qui est aussi un adieu à l’enfance perdue.
Au-delà de la construction chorale du livre, de la réjouissante galerie de portraits, adolescents et adultes, ou des innombrables thèmes abordés, de la physique quantique au mysticisme edwardien, on est emporté par le mélange de tragi-comique, qui fait rire – pour de vrai – et émeut – profondément.
Depuis « la Maison aux esprits », il y a trente ans, l’écrivaine chilienne Isabel Allende, installée aujourd’hui en Californie, conforte son succès populaire de livre en livre. « Le Cahier de Maya » (4) est le journal d’une jeune fille de 19 ans, née en Californie et que sa grand-mère a exilée dans sa terre natale, un îlot au sud du Chili, après l’avoir arrachée des rues de Las Vegas où elle traînait, droguée, poursuivie par les dealers et par le FBI. En même temps qu’elle s’astreint à mettre en ordre ses souvenirs, Maya s’immerge dans la nature et la vie simple, elle découvre des vérités cachées en même temps qu’elle apprend à se connaître. Un parcours sans doute idéal mais qui met du baume au cœur.
Avec « Tradeuse » (5), qui raconte, à la première personne, les aventures d’une fille à Wall Street, il convient plutôt de parler de jungle. Son héroïne est certes une post-ado, puisqu’elle a déjà 24 ans, mais il s’agit bien d’un roman initiatique, qui se déroule dans une très réputée société de courtage où Alex vient de décrocher un poste. Un univers très masculin, où « La Fille » est préposée à toutes les corvées et doit subir moult humiliations avant de franchir les étapes qui la mettront à égalité avec ses collèges. Ou presque. Erin Duffy, qui a travaillé pendant plus de dix ans à Wall Street, connaît bien ce monde de requins et de jeunes loups, qui s’agitent d’autant plus lorsque se greffe une histoire sentimentale ou lorsque la crise ébranle le fragile équilibre de la finance.
(1) Éditions La Lune sur le Toit, 313 p., 18 euros.
(2) L’Olivier, 165 p., 18 euros.
(3) Belfond, 677 p., 23euros.
(4) Grasset, 459 p., 21,90 euros.
(5) MA éditions, 373 p., 18 euros.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série