C’EST À UNE « VIOLENCE de classe » que leur travail nous fait assister et, si certains faits sont aujourd’hui connus et banalisés (délocalisations, licenciements dits « boursiers »), ils tiennent à dire que cette violence a des visages précis. Ainsi de l’évasion fiscale, « sport de classe », incarnée par Bernard Arnault, première fortune professionnelle de France, 11e fortune du monde, qui demande la nationalité belge, car, disent les auteurs, « les plus riches souhaitent non seulement s’affranchir de leurs impôts, mais, avec le signal du plus doté d’entre eux, ils refusent désormais les contraintes liées à une identité nationale ».
Au-delà de cet exemple-phare, le livre montre comment la déréglementation de la vie économique est créatrice de cynisme (dont Bernard Tapie est un grand exemple) et met en lumière les nombreux liens unissant la politique, l’administration et les grandes puissances financières. On assiste à un vertigineux entrecroisement d’hommes d’affaires, d’avocats et de députés ayant souvent fait les mêmes écoles de commerce, siégé dans les mêmes conseils d’administration, de sorte qu’il s’agit moins de complicité que d’identité culturelle de classe.
Les auteurs en veulent pour preuve le cas du ministre de l’Économie, Pierre Moscovici. On le retrouve dans les bons réseaux. Membre du très chic Cercle de l’Union, ex-membre du puissant Cercle de l’Industrie, qui plaide pour une amélioration de la gouvernance économique et financière. Pierre Moscovici a été député de la circonscription de Sochaux-Montbéliard, fief de Sochaux, il est président de l’Association des collectivités-Sites d’industrie automobile (ACSIA) et… dîneur du club Le Siècle.
Culture.
Ce n’est pas innocemment qu’est pris l’exemple d’un ministre socialiste. De nombreuses références illustrent l’adhésion totale de la gauche libérale à la mondialisation économique. Une adhésion cimentant l’oligarchie qui nous gouverne. En plus de l’argent et du pouvoir politique, elle exerce aussi une domination – et une violence – symbolique, grâce à l’art et à ses fondations défiscalisantes. Les riches et puissants ont une richesse multidimensionnelle. En plus de l’argent, les puissants ont du goût ou, comme dirait Machiavel, ils doivent paraître en avoir. L’argent doit, pour sa propre légitimation, s’allier avec la richesse culturelle.
Des pages qui font beaucoup penser au Pierre Bourdieu de « la Distinction », qui insistait sur la double humiliation des « gens de peu », devant le luxe étalé et dans leur confrontation à une culture qu’ils ne comprennent pas.
Ce pouvoir démesuré est présenté comme d’autant plus diabolique que des intérêts particuliers ont pris le masque de l’intérêt général. Dès lors, en face des riches créateurs de richesse, toute contestation semble scandaleuse, bloquant le progrès social. C’est ce peuple avide, dont les coûts, les salaires et les protections sociales, qui bloquent la compétitivité, sont montrés du doigt. Un livre terrible.
Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, « La Violence des riches », éd. Zones, 240 p., 17 euros.
* Zones, 2010 ; Poches/Essais, 2011.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série