OLIVIER BLEYS est un homme actif : à moins de 40 ans il a publié une vingtaine de livres dans différents genres et plusieurs de ses romans, dont « Pastel » et « le Maître de café », ont reçu des prix littéraires. Il est aussi un rêveur : n’a-t-il pas entrepris un tour du monde... mais à pied, par étapes, qu’il poursuit d’année en année ? « Concerto pour la main morte » (1) est dans cette lignée, une sorte de fable qui se déroule dans un lointain sibérien, où la chaleur de l’amitié se révèle plus forte que la froideur du climat.
Lorsque Colin Cherbaux débarque à Mourava, un minuscule hameau perdu de Sibérie centrale, il frappe à la porte de Vladimir Golovkine. Colin est un Français d’origine russe, un petit homme d’apparence chétive mais dont les mains dotées d’une force singulière lui ont permis d’être, sinon un grand concertiste, du moins d’effectuer une carrière honorable ; mais aujourd’hui, il ne parvient plus à jouer son morceau fétiche, le C« Concerto n°2 » de Rachmaninov ! Vladimir est un homme à tout faire qui vit à la dure, qui ne s’enivre pas de vodka mais se berce de l’illusion d’une existence meilleure dans la grande ville en amont du fleuve. Un pianiste et un moujik, deux hommes et deux rêves aux antipodes, dans une même réalité qui pourrait tout transformer.
La musique comme arme stratégique.
Best-seller en Nouvelle-Zélande, le pays de Sarah Quigley, et traduit dans plus de dix pays, « la Symphonie de Leningrad » (2) s’inspire d’un épisode authentique de la Deuxième Guerre mondiale : le siège de Leningrad, qui, à partir de la rupture du pacte germano-soviétique en juin 1941, et au terme de 900 jours de bombardements, a provoqué la mort de milliers de personnes par manque de vivres, de médicaments et de charbon.
L’auteur montre comment le déjà très célèbre Dmitri Chostakovitch, qui vivait alors à Leningrad avec sa famille, s’est mis en tête d’écrire sa fameuse « Septième Symphonie », durant le premier hiver de pénurie, en réaction au blocus. Trop précieux pour être sacrifié, le compositeur a été évacué sur l’ordre de Staline, qui a imaginé un plan « diabolique » : faire jouer la symphonie, dans laquelle le compositeur a introduit le bruit des canons, des bombes et des sirènes d’alarme, avec des haut-parleurs tournés vers les lignes ennemies, de façon à faire croire aux Allemands que les Russes ne sont pas prêts de se rendre. Le siège de la ville a d’ailleurs été levé peu après.
Le but n’est pas de débattre de la vérité et de la fiction. On s’attache aux personnages, à une petite fille nommée Sonia qui joue du violoncelle comme personne autant qu’à Karl Eliasberg, le chef « de remplacement » qui a eu la mauvaise part de devoir faire travailler, au-delà des limites admissibles, les musiciens qui étaient restés prisonniers dans la ville et qui crevaient de maladie et de faim.
La vie romancée du roi du swing.
Auteur d’une quinzaine de romans et de biographies (« Horowitz et mon père », « Un fauteuil au bord du vide », « Céline’s band »), Alexis Salatko offre, pour le 60e anniversaire de la mort de l’artiste, à 43 ans, une biographie romancée de la vie du grand guitariste de jazz, Jean Reinhardt dit Django.
On le découvre dans « Folles de Django » (3) à travers le regard de trois générations de femmes folles de jazz et folles de lui, Maggie Kuipers, sa fille Jenny et sa petite-fille Dinah. Elles ont cru en ce gamin né près de Charleroi, qui ne savait ni lire ni écrire et encore moins déchiffrer une partition, elles l’ont encouragé, même après l’incendie qui a ravagé sa roulotte et qui lui a fait perdre l’usage de deux doigts de la main gauche, l’obligeant à développer une nouvelle technique pour jouer de la guitare, elles l’ont aimé en dépit de son caractère impossible, de son immaturité, de sa mégalomanie.
À travers le destin de cette grande figure du jazz manouche, c’est tout le milieu du jazz, des années 1930 aux années 1950, qui résonne, Stéphane Grappelli ici, Louis Armstrong, Duke Ellington ou Dizzy Gillespie outre-Atlantique, mais aussi Jean Sablon ou Jean Cocteau, entre autres.
Le flamenco, un art de vivre.
Dans « Manuel El Negro » (4), David Fauquemberg (« Nullarbor », « Mal tiempo ») célèbre le flamenco à travers le destin d’un cantaor de génie et du tocaor de talent qui l’a accompagné. C’est le guitariste, Melchior de la Pena, qui retrace la vie de Manuel El Negro, indissociable de la sienne, l’un sur le devant de la scène et dans la lumière, l’autre derrière et dans l’ombre, les deux hommes unis depuis leur enfance par l’amitié et surtout par l’amour du flamenco.
On suit l’irrésistible ascension du musicien, depuis les barrios gitans d’Andalousie vers Séville puis Madrid, où il enregistre des disques et commence à gagner de l’argent avant de parcourir l’Europe et de conquérir l’Amérique. Mais alors que Melchior entretient la flamme de la pureza, la pureté si chère aux flamencos, Manuel se laisse envahir par l’alcool et la drogue. Il est temps pour lui de revenir au pays, aux sources de sa vie et de son art. S’il n’est pas trop tard.
L’auteur s’attache moins aux péripéties de la vie chaotique de son héros qu’à nous initier à l’esprit du cante jondo, à nous faire découvrir, en confrontant ses personnages romanesques à des figures bien réelles, le monde très particulier des grands artistes gitans et à nous faire partager les émotions que suscite le flamenco, qui est, plus qu’une musique, un art de vivre.
(1) Albin Michel, 234 p., 18 euros.
(2) Mercure de France, 475 p., 25,80 euros.
(3) Robert Laffont, 273 p., 20 euros.
(4) Fayard, 364 p., 20 euros.
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