Idées
Le 28 janvier 1754, l’écrivain anglais Horace Walpole crée le mot serendipity dans une lettre à Horace Mann, diplomate à la cour de Florence. Il désigne selon lui la faculté de « découvrir par hasard et sagacité des choses qu’on ne cherchait pas ».
Horace Mann a envoyé à Walpole un portrait de la grande-duchesse Bianca Capello. En feuilletant un vieux livre d’armoiries vénitiennes, ce dernier découvre un blason des Médicis à l’intérieur des armoiries. Ce dont il déduit qu’il y a eu alliance entre les deux familles. Observation et sagacité, donc. Walpole explique que l’idée du concept lui est venue d’un conte oriental, « Voyages et Aventures des trois princes de Serendip ». Dans ce conte, trois jeunes princes de l’île de Serendip (ancien nom de Ceylan) arrivent dans un royaume et rencontrent un chamelier qui a perdu un chameau ; ils lui demandent si le chameau perdu n’était pas borgne et boiteux, ce qui, bien sûr, est le cas, et résulte de déductions habiles à partir de traces dans l’herbe, etc.
La question est de savoir si les deux exemples sont sur le même plan. Walpole a découvert grâce au hasard et à la sagacité le sens des armoiries. Les princes sont tombés par hasard sur des traces de chameau, il s’agit plutôt d’une observation de signes, dans le genre Sherlock Holmes, que d’une découverte.
À partir de là, l’ouvrage nous transporte sur le terrain de la philosophie des sciences, en conservant le concept de serendipity comme fil d’Ariane. Il évoque le physiologiste Walter B. Cannon (1871-1945), qui met en lumière le rôle des flashes d’idées dans la recherche. Des intuitions surgissent, qui aident à briser la routine et apportent un réel bonheur au découvreur.
Dans un contexte différent, celui du combat entre la science dirigée vers l’industrie et celle visant à la connaissance désintéressée, Jean Perrin (1870-1940), qui représente cette dernière, note qu’un chercheur trouve parfois autre chose que ce qui était son but initial. C’est le cas de Röntgen découvrant par hasard les rayons X.
L’auteure de cet ouvrage, très riche sur le plan épistémologique, est très consciente du hiatus qu’il y a entre un sens devenu superficiel du mot et l’occurrence d’une brillante intuition scientifique à l’intérieur d’une observation méthodique.
On ne trouve qu’à l’intérieur d’un dispositif serré. Partez tout de même la fleur aux dents dans la grand’ville, l’aventure est peut-être au coin de la rue.
Sylvie Catellin, « Sérendipité - Du conte au concept », Seuil/« Science ouverte », 268 p., 21 euros.
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