Voyage en Apartheid
Frédéric Couderc a été reporter en Afrique du Sud avant de se consacrer à l’écriture (« Que saignent les vignes du roi », « Et ils boiront leurs larmes ») et il vit une partie de l’année au Cap. C’est là que se situe « Un été blanc et noir » (1), un récit d’amour et de suspense qui nous renvoie en 1968, alors que sévit l’Apartheid. Suspense, après qu’une militante contre les lois raciales a été renversée par une voiture sous les yeux de Marianne, nommée pour enseigner un semestre à l’université du Cap. Amour, lorsque celle-ci tombe sous le charme du meilleur ami de la victime, un jeune chirurgien de l’équipe de Chris Barnard, qui s’apprête à réaliser la première greffe du cœur, un Afrikaner qui, sous ses dehors désinvoltes, est le cerveau d’une opération commando sur Robben Island visant à libérer Nelson Mandela ! Un final haut en couleurs autour d’un épisode réel et méconnu.
Voyage en sorcellerie
« Ceux qui sortent dans la nuit » (2), premier roman du Camerounais Mutt-Lon, nous fait pénétrer dans le monde mystérieux de la sorcellerie africaine. Pour venger la mort de sa sœur, le héros apprend d’un ancien à devenir un ewusu, un être qui se dédouble une fois la nuit tombée et que la légende pare de pouvoirs extraordinaires, comme la lévitation, l’invisibilité, la force physique ou la capacité à remonter le temps. Avant d’accomplir sa mission, il doit retrouver un vieil ewusu qui aurait découvert, 300 ans auparavant, le secret de la dématérialisation. Un conte étonnant, qui mêle deux époques temporelles et deux visions de l’Afrique.
Voyage en enfance
C’est auréolé des prestigieux Prêmio Jabuti et Prêmio Sao Paulo de Literatura qu’arrive en France « Si je ferme les yeux » (3), premier roman du Brésilien Edney Silvestre. Sous le prétexte de la découverte d’un crime, celui d’une jeune femme à la réputation sulfureuse, par deux garçons de 12 ans qui ont fait l’école buissonnière, l’auteur dresse le portrait d’une époque et d’un pays tout entier. Les faits se passent en 1961, alors que le pays s’essaye à la démocratie. Le mari s’accuse du crime mais les enfants, persuadés qu’il est innocent, s’allient à un ancien dissident, hanté par ce qu’il a subi pendant la dictature. Leur enquête, qui les confrontera au racisme et à la corruption d’une élite politique prête à toutes les violences pour ne pas perdre le pouvoir, signera la fin de leur enfance.
Voyages au pays du froid
Scénariste, poète et professeur d’écriture à l’université d’Anchorage, Don Rearden a grandi dans la toundra de l’Alaska, où il vit toujours. « Le Présage du corbeau » (4) est l’odyssée d’un homme qui entreprend de regagner la civilisation après qu’une terrible épidémie de grippe a décimé le village des Yupiks, une peuplade inuit égarée aux confins de l’Alaska, où il enseignait. Le livre est plus qu’un roman ou une fable. Il constitue « une tentative de transmission des principes de survie face aux maladies et aux famines, qui m’ont été communiqués par les anciens ». D’une beauté glaciale.
À lire également, le dernier volet de la trilogie du Minnesota de l’auteur norvégien Vidar Sundstol, « Corbeaux » (5), dans lequel le héros se bat avec sa conscience : doit-il, pour faire sortir un innocent de prison, dénoncer son propre frère qu’il soupçonne d’un meurtre ? En se tournant vers le passé, en prenant la clef du chemin des rêves et en comprenant la voix des anciens, il approchera la vérité.
Voyages en tout genre
Certaines contrées sont des décors idéaux pour des aventures exceptionnelles. Dans « la Lionne » (6), Katherine Scholes (« la Reine des pluies », « les Amants de la terre sauvage ») nous transporte au cœur de la brousse tanzanienne. Une jeune Australienne, venue visiter le lieu où sa mère a trouvé la mort vingt ans auparavant, est amenée à participer, avec un médecin massaï, aux recherches pour retrouver une infirmière itinérante, perdue dans la savane avec sa fille de 6 ans. La mort sera encore au rendez-vous, mais aussi les fantômes du passé, la beauté de la nature, la grandeur de la vie sauvage.
Déjà auteur de plusieurs sagas à succès (dont « la Dernière Valse de Mathilda »), Tamara McKinley met en scène, dans « les Pionniers du bout du monde » (7), la vie de plusieurs familles parties d’Angleterre à la fin du XVIIIe siècle pour conquérir l’Australie. Le bush est le terrain où se déchaînent les passions et les rivalités, tandis qu’à Sydney, les bagnards sont sur le point de se révolter.
Comme Charity Norman, qui a quitté l’Angleterre et mis un terme à sa carrière d’avocate pour se consacrer à l’écriture, l’héroïne de « Secondes chances » (8) (publié après « Tu seras notre enfant ») a choisi de s’exiler en Nouvelle-Zélande. Elle pense que c’est une nouvelle chance pour elle, pour son mari, pour sa fille de 15 ans et ses jumeaux de 4, jusqu’à cette nuit terrible où l’un des garçons tombe de la véranda. Le drame se noue autour de cette chute, car la mère sait qu’il ne s’agit pas un accident. Un roman psychologique, dans un décor sauvage.
Le dixième roman de Denis Humbert (« le Sang est plus épais que l’encre ») est sans concession. Il nous transporte au cœur de la forêt humide, dans « le Bar du Caïman Noir » (9), où le sang a coulé. Là où des hommes et des femmes qui n’auraient jamais dû se rencontrer, pour qui la Guyane était un dernier refuge ou le point de départ d’une nouvelle vie, se sont croisés. À travers des archétypes, dont celui d’un médecin, l’auteur, qui vit en Martinique, brosse le portrait d’un pays de cocagne et de misère orchestré par la fièvre de l’or et où la violence est partout, déclarée ou insidieuse.
Dina Nayeri est née en même temps que la révolution iranienne et elle a vécu à Ispahan une dizaine d’années avant de s’installer aux États-Unis. « Une pincée de terre et de mer » (10), son premier roman, a pour personnage principal une fillette qui, après avoir vu pour la dernière fois sa mère et sa sœur à l’aéroport de Téhéran, est persuadée qu’elles ont embarqué pour l’Amérique, alors que son père affirme qu’elles sont mortes. L’ouvrage se déploie dans ces deux directions, celle de la réalité de l’intégrisme du régime des ayatollahs dans les années 1980 vécue par l’une, avec son cortège de brimades, et celle de la vie imaginée pour l’autre, toute de liberté, aux États-Unis. Un beau roman d’imagination et d’espérance.
(1) Flammarion, 314 p., 20 euros.
(2) Grasset, 283 p., 18,90 euros.
(3) Belfond, 302 p., 19,50 euros.
(4) Fleuve Noir, 345 p., 19,90 euros.
(5) Grasset, 413 p., 22 euros.
(6) Belfond, 303 p., 21 euros.
(7) Éditions de l’Archipel, 459 p., 22 euros.
(8) Belfond, 461 p., 21,50 euros.
(9) Presses de la Cité, 276 p., 19 euros.
(10) Calmann-Lévy, 469 p., 20,90 euros.
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