« Les Chevaliers blancs », de Joachim Lafosse

Les failles de la générosité

Publié le 18/01/2016
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Vincent Lindon : sauver ou nuire ?

Vincent Lindon : sauver ou nuire ?
Crédit photo : F. MALTESE

Après deux huis-clos (« Élève libre », « À perdre la raison »), le cinéaste belge Joachim Lafosse se lance dans l’aventure sans abandonner ses thèmes de prédilection : la manipulation au nom d’un bien supposé, « l’enfer pavé de bonnes intentions », selon la formule qu’il aime à reprendre. « Il y a un vrai thriller à faire avec de grandes questions morales », a-t-il expliqué au festival de Saint-Sébastien, dont il est reparti avec le prix du meilleur réalisateur. L’histoire de l’Arche de Zoé lui est ainsi apparue comme « outil de fiction magnifique » pour poser ce type de questions, sans s’astreindre à être fidèle au réel.

Quelque souvenir que l’on ait de l’histoire de l’association française, dont « le Quotidien » s’est largement fait l’écho*, on s’accroche aux mésaventures de l’ONG Move for Kids et de son patron, sûr du bien-fondé de son action, de son droit, pour sauver des enfants, à tricher et à braver la loi. Il s’agit d’exfiltrer des orphelins, dans un pays d’Afrique dévasté par la guerre, une opération financée grâce aux contributions de familles françaises en mal d’adoption. Mais il faut mentir aux interlocuteurs africains, aux chefs de village, aux habitants : on leur fait croire que les enfants seront accueillis et éduqués dans un orphelinat sur place alors qu’il est prévu de les emmener en France quelques jours plus tard

Si le cinéaste ne néglige pas poursuites, fusillades et autres scènes d’action, il se focalise sur les individus**, leurs ambiguïtés, leurs oppositions, de plus en plus apparentes alors que les obstacles se multiplient. C’est là que Vincent Lindon peut montrer l’étendue de son talent, incarnant parfaitement le leader à la fois convaincant et moralement condamnable. Il est bien entouré par Louise Bourgoin, Valérie Donzelli, Reda Kateb, Bintou Rimtobaye, entre autres.

Toute générosité n’est pas bonne à exercer, c’est ce que montre ce film qui ne juge pas mais donne à réfléchir.

* Derniers articles les 4 mars 2013 (tribune du Dr Van Winkelberg) et 14 février 2014 (condamnation des fondateurs à deux ans de prison avec sursis).

** Des personnages à distinguer des protagonistes de l’affaire, insiste le cinéaste.

Renée Carton

Source : Le Quotidien du Médecin: 9463