POUR SON PREMIER long métrage, Alice Winocour, 36 ans, a choisi un sujet audacieux : les travaux de Jean-Martin Charcot, qui l’ont « fascinée » quand elle les a découverts, l’hystérie et l’hypnose. Il est vrai qu’Augustine, l’une des plus célèbres patientes du père de la neurologie moderne, celle qu’il a le plus observée et photographiée, est un personnage de choix, avec ses crises spectaculaires. Entrée à l’hôpital de la Salpêtrière en 1873, elle s’en enfuira en 1885, déguisée en homme, et nul ne sait ce qu’elle est devenue.
La cinéaste a aussi retenu la dimension féministe de l’histoire. Dans « cette cité des femmes » qu’était la Salpêtrière, « des milliers de malades étaient soumises à l’autorité de quelques médecins, dit-elle. Des femmes quasi nues, abandonnées au regard d’hommes en costumes trois pièces. » Les malades de Charcot étaient « des femmes de condition sociale très basse, des bonnes le plus souvent sans éducation, soumises à des conditions de vie épouvantables. Elles étaient sans droits, généralement violées » et, pour elles, « l’hystérie est une révolte ».
Mais si elle est soucieuse de vérité historique – évoquant par exemple le compresseur d’ovaires inventé par Charcot –, psychologique et sociale, Alice Winocour ne se veut pas naturaliste, donnant à son film une touche fantastique, elle qui aime les œuvres de Lynch ou de Cronenberg. Et elle imagine qu’Augustine, cobaye favori du médecin, devient peu à peu objet de désir.
Il y a donc beaucoup de choses dans « Augustine », centré sur la relation entre le praticien et sa patiente et son évolution, avec un retournement du rapport de force : « Charcot découvre qu’il a un corps et perd le contrôle. Augustine découvre qu’elle a une tête et prend le pouvoir sur lui. »
On y croit grâce au couple Soko-Vincent Lindon. La première, connue aussi comme chanteuse, est impressionnante dans les crises et dans le contraste entre les deux visages d’Augustine, l’hystérique et la modeste bonne. Lindon est un Charcot autoritaire, comme le rôle l’exige, et nuancé, sachant suggérer ses fragilités. Chiara Mastroianni incarne l’épouse très bourgeoise du médecin et d’authentiques patientes jouent les figurantes ou témoignent de la réalité de la maladie, aujourd’hui encore.
Peut-être la mise en scène aurait-elle gagné à être un peu plus fluide mais ce qu’Alice Winocour donne à voir et à penser est passionnant.
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