Idées
L’idée peut d’emblée heurter ceux qui y voient une atténuation de la monstruosité de ce régime. Il est en fait question de tout autre chose, si on examine ce qu’est une utopie. Ce terme, créé à partir de « l’Utopie », l’ouvrage de l’Anglais Thomas More (1478-1535), a pris le sens de pays imaginaire conçu à partir de folles chimères. La liberté y régnerait, assurant à tous un bonheur éternel.
Or l’utopie nous assure de ces biens, à condition d’être rigoureusement encadrée. Elle promet un bonheur contrôlé par la police et, surtout, elle désigne comme ennemis à supprimer tous ceux qui contrecarreraient son plan général. On voit ce que cette affirmation implique. Hitler est un idéologue. Comme Platon dans « la République », il a d’abord conçu un régime idéal, exposé dans « Mein Kampf » et dont le livre de Rouvillois donne le détail. Il fallait que se présentent les conditions d’une application. L’intendance ne tarderait pas à suivre.
De façon très intéressante, l’auteur montre qu’il y a toute une tradition de la littérature allemande, à la fin du XIXe siècle, liée aux royaumes idéaux, qu’ils se nomment Eden ou Heimland. On y retrouve en permanence des thèmes dominants : la vie saine, le peuple heureux dans son travail, un contrôle absolu des corps et des âmes, et surtout l’obsession eugéniste, l’injonction d’amélioration de certaines races.
Comment situer dans ce bain d’idées la place de ce que l’auteur nomme justement le « judéocide » ? On a énormément débattu pour savoir si le meurtre de masse avait été planifié ou si, en avançant dans l’histoire, l’idée d’une totale extermination s’était formée progressivement. L’historien Hans Mommsen pense que le Hitler du début se contentait « d’une mise en scène typique des antisémites radicaux depuis la fin du XIXe siècle ».
Mais le concept opératoire d’utopie suppose le manichéisme. Le triomphe biologique des Aryens exige l’anéantissement des autres, la race des seigneurs entraîne la mort de tous ceux qui s’opposent à la réalisation de l’Idéal sur terre. Le Kapo sadique qui se faisait la main sur les détenus dans un camp se pensait-il comme accomplissant la grande utopie ? Ou n’était-il qu’un inconscient rouage dans la machine de mort ? On en discutera en pensant à la phrase d’Aldous Huxley dans « Contrepoint » : « Le danger n’est pas que les utopies soient irréalisables, mais qu’elles se réalisent trop bien. »
Flammarion, 350 p., 23 euros.
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