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Le cinéma d’après-guerre à travers les amours scandaleuses d’Ingrid Bergman et Roberto Rossellini et les mémoires de Dino Risi. Une actrice spécialisée dans les péplums déshabillés. Le portrait d’une comédienne qui a sacrifié sa fille à sa carrière. Les aventures en Europe de l’Est d’une troupe de théâtre yiddish.
Ingrid Bergman, Anna Magnani, Roberto Rossellini : trois monstres sacrés du cinéma dont les amours mêlées ont scandalisé le monde du spectacle et le public petit-bourgeois, trois personnalités qui sont allées au bout de leur liberté. François-Guillaume Lorrain, romancier et critique de cinéma, raconte avec talent, dans « l’Année des volcans » (1), l’incroyable confrontation sentimentale et cinématographique du trio.
Star mondialement connue depuis « Casablanca », Ingrid Bergman est l’épouse du neurochirurgien Petter Lindström, qui est aussi son manager, et la maîtresse du photographe Robert Capa, lorsqu’elle est fascinée par « Rome, ville ouverte », de Roberto Rossellini ; également marié et réputé pour son caractère difficile, le réalisateur était alors l’amant d’Anna Magnani, autre magnifique – et fougueuse – actrice. Bien qu’habituée à tourner avec les plus grands acteurs et réalisateurs hollywoodiens, la belle Suédoise se jette à la tête de l’Italien, qui rompt avec la Magnani et lui offre la vedette dans « Stromboli ». Ils finiront par se marier, auront trois enfants et collaboreront pour quatre autres films. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Alors qu’Ingrid Bergman joue dans « Stromboli » sur l’île éolienne, Anna Magnani tourne « Vulcano » sur l’île éponyme voisine ! Ce drame amoureux et rocambolesque est l’occasion pour l’auteur de rappeler la grande époque du cinéma d’après-guerre avec ses rivalités et ses coups de génie.
Le maître de la comédie italienne Dino Risi, l’auteur de « Parfum de femme » en 1975 parmi une cinquantaine de films, avait 88 ans lorsqu’il a écrit ses mémoires et 92 lorsqu’il est mort. « Mes monstres » (2) nous ramène à l’âge d’or du cinéma italien et des acteurs comme Vittorio Gassmann, Nino Manfredi, Ugo Tognazzi, Alberto Sordi ou Marcello Mastroianni. Ce fils de médecin et médecin lui-même, qui a exercé comme psychiatre tout en s’adonnant à la critique et à l’écriture de scénarios, ne se limite pas, loin de là, à ses réminiscences cinématographiques. Il se rappelle dans le désordre, passant d’un fait et d’un portrait à l’autre depuis la cour de l’école jusqu’aux plateaux, toujours drôle et modeste, léger et cependant profond, et ses souvenirs défilent comme autant de séquences filmées.
Des actrices de fiction
Même s’il situe « Aimer fatigue » (3), son septième roman, au Maroc, Philippe Fusaro ne délaisse pas totalement l’Italie, son pays de prédilection. Il nous mène à Tanger, sur les traces de Memphis, un double de Tenessee Williams, qui a séjourné dans la ville en 1973. Auteur à succès et poète raté bourré d’alcool et d’antidépresseurs depuis la mort de son amour à Palerme, Memphis rencontre un soi-disant homme d’affaires et vrai espion italien, très beau et de belle allure mais sans envergure, et sa maîtresse, une actrice italienne aussi, qui aime à se parer de vêtements signés Yves Saint Laurent mais s’est fait un nom en jouant dans des péplums très déshabillés. Tout en rendant hommage à des mythes littéraires et cinématographiques – l’écrivain en panne d’inspiration, la femme fatale et l’espion –, l’auteur décrit, sur fond de musique arabo-andalouse et de mélancolie, une belle balade estivale entre amour et amitié, mélancolie et sensualité.
Passant du rire (« Nos pires meilleures vacances à Las Vegas ») à l’émotion, Agathe Colombier Hochberg raconte, dans « Rien de personnel » (4), l’enquête d’une historienne qui se propose d’écrire le portrait d’une célèbre actrice contemporaine. La biographe est la fille de la comédienne mais celle-ci l’a très vite abandonnée afin de privilégier son métier. C’est donc sous couvert d’un pseudonyme que la jeune femme cherche à comprendre comme une mère peut sacrifier sa propre fille pour suivre sa carrière en même temps qu’elle dévoile la douleur d’une enfant contrainte de taire l’existence de sa maman.
Pionnier de la bande dessinée en Israël, Yirmi Pinkus publie, à 48 ans, son premier roman, « le Grand Cabaret du professeur Fabrikant » (5), un récit picaresque qui ferait un bon film. Il débute en 1937, à la mort de Markus Fabrikant, le créateur (en 1878) et directeur artistique du Grand Cabaret, considéré, pour avoir renouvelé le genre du « tableau vivant », comme un des pères fondateurs du théâtre roumain. Ce fils d’une riche famille bourgeoise a constitué sa troupe en recueillant des fillettes orphelines ou abandonnées et il a sillonné l’Europe de l’Est en donnant des spectacles à destination des plus démunis et laissés-pour-compte. Lorsque se pose la question de sa succession, on s’aperçoit que les comédiennes, devenues des vieilles dames, n’ont pas perdu la foi en leur mission ni leur public son adoration. Un roman plein de rebondissements qui dessine avec finesse toute une époque et rend hommage au théâtre populaire yiddish, qui jette là ses derniers feux.
(1) Flammarion, 382 p., 20 euros.
(2) Éditions de Fallois, 253 p., 19,50 euros.
(3) L’Olivier, 153 p., 15 euros.
(4) Fleuve éditions, 302 p., 18,50 euros.
(5) Grasset, 458 p., 22 euros.
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