« Le Fils de Saul », « la Dernière Leçon »

Mort, où est ta victoire ?

Publié le 05/11/2015
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" Le Fils de Saul »

" Le Fils de Saul »
Crédit photo : AD VITAM

Grand Prix justifié du festival de Cannes, « le Fils de Saul » est le premier long métrage de László Nemes, Hongrois de 38 ans qui a fait ses études en France. Il donne à voir (et à entendre), sans jeter les images aux yeux des spectateurs, la réalité de l’extermination massive des juifs dans ce qu’elle avait de plus concret. Cela à travers le regard d’un prisonnier membre d’un Sonderkommando qui travaille dans l’un des crématoriums d’Auschwitz-Birkenau, cette « usine de mort » où il faut « produire » toujours plus de cadavres et les faire disparaître. Parmi ces corps, Saul (Géza Röhrig) reconnaît un jour son fils et prend tous les risques pour tenter de le sauver des flammes et de l’enterrer.

László Nemes, dont une partie de la famille a été assassinée à Auschwitz, s’est inspiré notamment, pour son scénario écrit avec Clara Royer, de textes écrits par des membres des Sonderkommandos (les prisonniers juifs affectés aux commandos des crématoires). Pour filmer l’infilmable, avec pour dogme que le film « ne peut pas être beau », il a donc choisi de ne montrer que ce qui participe de l’expérience de Saul, le plus souvent en plans rapprochés. Ce qui rend finalement le récit, avec son suspense, plus proche de nous, moins historiquement documentaire. Mais non moins glaçant.

« La Dernière Leçon », de Pascale Pouzadoux (« De l’autre côté du lit », « la Croisière ») parle également de la mort, mais de la mort choisie, dans ce qu’elle a d’expérience intime. Le film s’inspire du livre du même titre (Seuil, 2005) dans lequel Noëlle Châtelet raconte le suicide à 92 ans de sa mère, Mireille Jospin, sage-femme, co-fondatrice de l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité). Le récit est transposé dans une famille fictive, Noëlle et ses frères et sœur ne voulant pas qu’on les reconnaisse. La réalisatrice, qui a su patienter jusqu’à ce que l’auteur soit prête à autoriser l’adaptation, ne néglige pas la dimension du rire, car « la Dernière Leçon » est aussi un hymne à la vie. Personnifié ici par Marthe Villalonga et Sandrine Bonnaire.

Dans « Suite à la Dernière Leçon », qui vient de paraître (Seuil), Noëlle Châtelet revient sur l’expérience du livre et du film et sur le combat pour la mort choisie, dont elle a repris le flambeau.

D’autres nouveaux films

Parmi les autres films de la semaine, « En mai fais ce qu’il te plaît », de Christian Carion, qui évoque l’exode de 1940 en suivant notamment un Allemand antinazi à la recherche de son fils (avec August Diehl, Olivier Gourmet, Mathilde Seigner). Dans « Nous trois ou rien », Kheiron, humoriste révélé par la série « Bref », s’inspire de l’itinéraire de ses parents, d’un petit village iranien aux cités de la banlieue parisienne. Bradley Cooper est un chef en voie de rédemption dans « À vif ! », de John Welles, avec aussi Sienna Miller et Omar Sy. Et l’on retrouvera l’univers de Jacques Tardi dans « Avril et le monde truqué », film d’animation de Christian Desmares et Franck Ekinci, qui réécrit l’histoire pour imaginer un monde d’où les savants ont disparu et où tout fonctionne encore à la vapeur.

Renée Carton

Source : Le Quotidien du Médecin: 9447