Livres
Auteur de plusieurs anthologies de poésie française et bengalie, Shumona Sinha est née en 1973 à Calcutta et vit à Paris depuis 2001. Doublement couronnée il y a trois ans pour « Assommons les pauvres ! », elle fait à nouveau appel au roman pour évoquer l’histoire politique du Bengale occidental.
Lorsque Trisha, la narratrice de « Calcutta » (1), retourne au pays pour assister à la crémation de son père, ses souvenirs d’enfant l’assaillent, entre le flacon d’huile d’hibiscus censée adoucir la « folie » de sa mère et le revolver que son père avait caché dans les plis d’une couette. C’était dans les années 1970, quand Indira Gandhi orchestrait la chasse aux communistes. Une image en appelle une autre et surgissent d’autres personnages et d’autres histoires dans d’autres temps. Mais « Calcutta » n’est pas un roman historique, c’est un récit intimiste et nostalgique sur la – pauvre mais irremplaçable – place de l’Homme dans l’Histoire et d’un père dans le cœur d’un enfant.
Le thème du « Sang des papillons » (2), le premier roman de la poétesse argentine Vivian Lofiego, n’est pas très éloigné. En 1976, après l’arrestation d’Isabel Peron et la prise de pouvoir par la junte militaire composée de Videla, Massera et Agosti, des milliers d’opposants à la dictature furent assassinés et « disparus ». Comme le père de Tamara, la narratrice, enlevé un soir par un commando paramilitaire et qu’elle n’a jamais revu, certainement jeté d’un avion dans le Rio de la Plata. Une petite fille de 7 ans apeurée, une mère qui plonge dans le désespoir et se coupe de tout, une grand-mère qui essaie de rassembler les morceaux d’une famille déchirée : trois femmes dont la vie s’est arrêtée.
Dans « la Mesure de la dérive » (3), de l’Américain Alexander Maksik, les horreurs de la guerre, ici au Liberia avec l’arrivée de Charles Taylor, n’apparaissent qu’aux dernières pages. L’auteur nous confronte avant tout à une autre détresse qui est certainement celle de nombreux migrants, la solitude et la faim. Jacqueline a survécu et a échoué sur l’île grecque de Santorin. C’est l’été, les touristes profitent du soleil ; elle, fait les poubelles à la nuit tombée et tente d’échapper à la police comme aux proxénètes. Elle est issue d’un milieu aisé, elle a tout perdu, sauf sa fierté. Mais comment se protéger de la voix lancinante de sa mère, sa seule compagnie, qui parle dans sa tête et convoque des souvenirs de plus en plus insoutenables ? Une magnifique variation sur la dignité humaine et la solitude pire que la misère.
Une tragédie plus grande encore
« Les Enfants du Rwanda » (4) n’est pas un roman mais un récit d’Angelique Umugwaneza. La jeune femme avait 13 ans, en 1994, lorsque la guerre a éclaté. Elle a obtenu l’asile au Danemark en 2001, elle a fait des études en sciences politiques à l’université d’Aarhus, et elle travaille actuellement auprès des réfugiés. « Pendant sept ans je n’avais connu que la peur, la mort et la destruction. Pendant tout ce temps-là, il ne s’agissait que d’une chose : survivre. » Elle raconte ces sept années de fuite sur les routes d’Afrique centrale et dans des camps, la mort de sa mère et de son frère, les relations ordinaires entre les gens lorsqu’on est une jeune fille, mais aussi l’égoïsme qui naît dans la lutte pour la survie. Son but ? « Ce que je voudrais transmettre, à travers ce témoignage, c’est que la tragédie du génocide rwandais est plus grande encore que ce que certains ont bien voulu dire. »
Les histoires vraies inspirent Fabio Geda, voix importante de la jeune littérature italienne. Après celle d’un jeune réfugié afghan ( « Dans la mer il y a des crocodiles »), il raconte, dans « le Dernier Été du siècle » (5), celle d’un homme à jamais traumatisé parce qu’il fut un petit garçon juif traqué. Le père de Zeno, 12 ans, étant malade, il est confié à son grand-père Simone, dont il ignorait l’existence et qui habite dans un village retiré du Piémont. L’auteur entremêle le récit de cet été 1999 où l’adolescent vit au jour le jour et les souvenirs d’une autre enfance marquée par les origines juives du vieil homme dans l’Italie fasciste. Deux générations, à l’épreuve chacune de sa propre solitude, vont se rencontrer.
(1) Éditions de l’Olivier, 205 p., 18 euros.
(2) JC Lattès, 279 p., 20 euros.
(3) Belfond, 276 p., 20 euros.
(4) Gaïa Éditions, 343 p., 22 euros.
(5) Albin Michel, 386 p., 21,50 euros.
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