L’AUTEUR analyse longuement la personnalité et l’image même de Socrate. Par là même il hérite d’une problématique classique : Socrate nous est principalement connu par les dialogues de Platon, particulièrement l’« Apologie », qui décrit la défense du philosophe accusé. Mais Platon cache Socrate, au pire en fait sa marionnette idéologique.
Aristophane, dans « les Nuées », met en scène un philosophe qui fait payer son enseignement, comme un vulgaire sophiste, et qui, d’après un personnage de la comédie, « bafouait les dieux »… L’un des chefs d’accusation du procès.
Pour compliquer les choses, quelques années après la fin du procès, entre 393 et 385, un certain Polycrate publie une « Accusation contre Socrate » pour justifier la condamnation au nom d’arguments politiques intéressants. Socrate aurait été très proche de gens douteux, d’Alcibiade, bien sûr, et des acteurs du régime des Trente Tyrans, qui avaient renversé la démocratie en 404-403, dont Critias, proche disciple du philosophe.
Polycrate permet de traiter comme quantité négligeable les accusations célèbres : impiété, introduction de nouvelles divinités, corruption de la jeunesse. Il transporte le débat sur un terrain politique original, qui est la thèse de Paulin Ismard : « L’hypothèse d’une philosophie socratique d’orientation démocratique est un leurre. »
Oligarque.
L’auteur ne manque pas de munitions pour alimenter un tir très nourri. En particulier le fait que nous voyons la démocratie athénienne au travers d’un prisme déformant. Elle est moins un régime de liberté et d’égalité de participation que le règne de la majorité, une majorité qui aurait, de par son nombre, toujours raison.
Rappelons qu’à Athènes, les magistrats étaient renouvelés chaque année par tirage au sort. Or, s’appuyant aussi bien sur l’élitiste Platon que sur Xénophon (pour qui il a une tendresse particulière), Paulin Ismard met en lumière le fait que Socrate aurait vu dans la démocratie « le régime des ignorants ». Socrate était philosophiquement et politiquement un oligarque, le régime mis en place par le petit nombre de ceux qui savent.
Avec cet ouvrage très pointu, c’est encore une de nos illusions qui disparaît. Celle portée par l’image Socrate, celle du vieux sage vaguement confondu avec Diogène, venu discuter librement avec les passants sur l’Agora. Le voici livré à la mort à la suite de médiocres querelles politiques. Rétrospectivement, il en devient moins maître de maïeutique (accoucheur d’esprit) qu’ironique un rien méprisant.
On lira avec un grand intérêt les derniers chapitres, qui montrent comment les trois grands monothéismes tentèrent d’enrôler maladroitement le fils de Phénarète. Décidément, on lui aura tout fait.
Paulin Ismard, « l’Événement Socrate », Flammarion, « Au fil de l’histoire », 288 p., 21 euros.
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