CHRISTOPHE Ono-dit-Biot n’a pas publié depuis six ans et son roman « Birmane », prix Interallié. Le voyage du héros de « Plonger » (1) est intérieur autant qu’il nous mène, de fait ou en esprit, vers des lointains. Les éléments autobiographiques n’y manquent pas, à commencer par le statut du narrateur, chargé de la culture dans un grand hebdomadaire parisien.
Après que sa femme a été retrouvée nue et morte sur la plage d’un pays du Golfe, César raconte, à l’intention de leur jeune fils, les deux années qu’il a vécues avec sa mère et explique pourquoi elle les a abandonnés.
L’auteur déroule une histoire d’amour lumineuse entre cet homme de culture, d’autant plus attentif aux sites et aux valeurs qui ont fait la grandeur de l’Occident qu’elles sont en train de disparaître, et Paz, qu’il a connue plutôt sauvage et provocatrice mais qu’il pensait apprivoisée puisqu’elle acceptait de le suivre et d’être célébrée comme photographe à la mode. Or, tandis que lui, effrayé par la barbarie du monde, ne voulait plus voyager qu’à l’intérieur de l’Europe, elle, rêvait de rivages lointains ; tandis qu’elle ne voulait pas d’enfant, arguant qu’il serait un mauvais père, lui, a fait en sorte de l’y contraindre.
La naissance de leur fils a scellé leur destin car aussitôt Paz a décidé de rejoindre Nour, son autre « enfant », un requin qu’elle avait adopté (mais oui, c’est possible), son premier et peut-être son seul amour. Il faudra à César se faire violence et aller là-bas, enquêter auprès des pêcheurs et des plongeurs pour découvrir comment et pourquoi Paz a été trouvée nue et morte sur une plage. La comprendre peut-être, mais trop tard.
Dans le flux du temps.
Plusieurs fois consacrée pour l’ensemble de son œuvre (prix Femina en 1989 pour « Jours de colère »), prix Goncourt des lycéens en 2005 pour « Magnus »), Sylvie Germain offre, avec « Petites scènes capitales » (2),un beau roman sur l’écoulement du temps et le simple bonheur d’être au monde en dépit des tourments de l’existence.
C’est avec Lili que l’on chemine depuis que, enfant, elle contemple l’unique photographie qu’elle a de sa mère, à sa naissance ; son père a jeté toutes les autres photos quand elle les a abandonnés – Lili avait 11 mois –, avant de mourir deux ans plus tard, peut-être noyée en mer mais son corps n’a jamais été retrouvé. Peut-on vivre avec ce manque et ce point d’interrogation ? Oui, dit l’auteur, qui montre en fin de livre une Lili vieillissante avec les mêmes questions, les mêmes joies, les mêmes effrois et les mêmes rêves qu’au commencement. Pour nous raconter « l’adolescente meurtrie par un deuil consumé de jalousie et d’espoir, la jeune femme en errance et celle en grand enjouement amoureux, la marginale au scepticisme irréductible et l’artiste éprise d’empreintes et de couleurs », nul besoin pour l’auteure de grands discours : quelques touches, quelques détails, quelques scènes aussi fugitives que capitales, et la limpidité de son écriture, suffisent à nous faire sentir l’essence des choses.
L’ultime métamorphose.
Remarquée avec « le Goût des pépins de pommes », l’Allemande Katharina Hagena met en scène, dans un récit atypique, plusieurs personnages hantés par l’absence et l’abandon. Elle assimile la disparition non plus à la mort, mais à une ultime métamorphose. « L’Envol du héron » (3) se situe à Grund, un village au bord du Rhin, qu’Ellen a fui dix-sept ans auparavant, après le départ de son amant alors qu’elle était enceinte. Médecin spécialiste du sommeil, elle vient de quitter l’Irlande, où elle s’était réfugiée, et l’homme qui a servi de père à sa fille Orla, et elle retrouve sa mère, plongée dans un coma, ainsi que son ami d’enfance Andreas, muré dans le silence depuis des années. Elle revoit aussi Marthe, qui n’a jamais renoncé à retrouver son fils, disparu également il y a dix-sept ans. Tous sont liés sans le savoir par un douloureux secret, qui se révèle peu à peu, au fil des récits qui s’entrecroisent sans jamais se rejoindre. La nature est omniprésente, avec ses araignées, ses grenouilles-taureaux et ses hérons.
La maison hantée.
Hélène Frappat (« Par effraction », « Inverno ») nous apprend qu’elle a écrit son cinquième roman dans une tentative de « partage » avec les patients du service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Avicenne de Bobigny. Et c’est en effet sur la disparition subite – avant sa réapparition tout aussi subite – d’un jeune garçon que s’appuie « Lady Hunt » (4). Un mystère aux accents gothiques.
Il n’y a rien de plus banal que la vie de Laura Kern, qui fait visiter des appartements pour une agence immobilière, dont le patron est aussi son amant. Il n’y a rien de plus troublant que ses nuits, hantées par le rêve d’une maison qui l’attire autant qu’elle la terrifie, par le cauchemar de la maladie qui a précipité le suicide de son père, un peintre féru de Tennyson. Le jour où l’enfant disparaît, le rêve et la réalité tendent à se mêler et on ne sait plus si l’on est dans un appartement chic de l’avenue des Ternes ou dans la brume de la lande galloise, la folie rejoint le fantastique, hérédité rime avec lieux hantés.
(1) Gallimard, 444 p., 21 euros.
(2) Albin Michel, 247 p., 19 euros.
(3) Anne Carrière, 293 p., 22 euros.
(4) Actes Sud, 318 p., 20 euros.
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