NÉ en 1946, Peter Singer, philosophe australien d’origine anglaise, enseigne la bioéthique et est à l’origine du Mouvement de libération animale, qui a aujourd’hui 40 ans. C’est de manière plutôt fortuite que lui sont venues ses idées principales. Un déjeuner, un jour, avec un étudiant végétarien, Richard Keshen, qui évoque la maltraitance et la souffrance des animaux d’élevage. À partir de là, il est conduit à se demander pourquoi nous n’aurions aucune obligation à l’égard des animaux, sur quoi repose la possibilité de les maltraiter ? Pourquoi le respect s’arrête-t-il à la vie humaine ?
Disciple de Jeremy Bentham, Peter Singer s’en inspire pour noter que l’idée que les animaux feraient partie d’un ordre différent est l’argument avancé au XVIIe pour dévaloriser les Noirs. Les mouvements identiques en faveur des femmes et des homosexuels, dans les années 1960, contribuent à asseoir ses convictions.
Très pragmatique, Peter Singer considère qu’il n’est pas indispensable de conférer des droits aux animaux. « Je préfère, dit-il, qu’un soulèvement des consciences précède l’institution d’une législation. » La souffrance animale est une raison en soi de vouloir la limiter voire l’abolir.
Libérés, les animaux sont ensuite « considérés » (mais l’ordre inverse aurait convenu) par Élisabeth de Fontenay. D’abord assistante de Vladimir Jankélévitch puis maître de conférences à la Sorbonne, cette philosophe d’une rare exigence intellectuelle a marqué beaucoup d’esprits avec « le Silence des bêtes » (1998). Dans cet ouvrage difficile, elle montrait comment la tradition occidentale avait accentué la coupure homme-animal, faisant du premier un élu et du second une pure machine.
Meurtrie par la Shoah, où disparaît une partie de sa famille, cette théoricienne ne craint pas de faire fonctionner dans l’autre sens le rapprochement génocide humain-abattoir animal. Elle s’oppose à Kant, pour qui le respect doit être réservé à l’homme, soulignant l’obligation que nous avons envers tous les êtres vulnérables contraints au silence ou promis au meurtre.
Morale.
Cette idée que tout être, homme ou animal, m’« oblige », n’est pas loin du sens qu’Emmanuel Levinas prête au visage. Une vue morale qui se substitue au droit, notion écartée par Élisabeth de Fontenay, dans la mesure où l’animal n’a pas de responsabilité.
Peut-être est-ce avec les propos de Boris Cyrulnik qu’une émotion véritable s’ajoute à des analyses serrées. Orphelin à 6 ans, cet acteur important de la toute nouvelle éthologie dit avoir très tôt tissé des liens humains avec les animaux. En 1980, il publie un ouvrage intitulé « Mémoire de singe et Parole d’homme ».
Boris Cyrulnik est très tôt frappé par l’absurdité des expérimentations sur l’animal, censées vérifier son intelligence. Marquées par le behaviourisme des années 1960, elles installent l’animal dans un milieu de chocs électriques et de sonneries aussi absurde que cruel.
Aux querelles sur le spécisme ou l’antispécisme, Cyrulnik répond que c’est en scrutant l’animalité de l’homme que l’on redécouvrira l’humanité de l’animal, tout ce qu’il a de passionnant, tout ce qu’il révèle de nous-mêmes.
Boris Cyrulnik, Élisabeth de Fontenay, Peter Singer, « les Animaux aussi ont des droits », Seuil, 260 p., 18 euros.
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