PERSONNE n’est mieux placé que moi pour sentir mon existence profonde, et elle m’apparaît comme une tension, une attente à l’intérieur d’un processus que l’auteur nomme la vie. Pourtant, nous ne pouvons paradoxalement définir ce que nous sommes, il faudrait adopter pour nous la représentation que les autres en ont, ce qui est impossible. Nicolas Grimaldi résume ceci en disant : « Rien ne nous est plus obscur que ce qui nous est le plus intime. » On ne peut donc, autre façon de dire la même chose, objectiver cette attente qui nous constitue.
Puisque l’ordre de la vie nous échappe, nous allons jouer la carte de la représentation – « The world is a stage » – et c’est par rapport à notre rôle social que nous allons nous définir, comme si nous tentions de nous saisir avec les yeux d’autrui.
Le snob et le dandy.
Après avoir rappelé la richesse des analyses de Gabriel Tarde, qui fait de l’imitation le facteur-clef du social, l’ouvrage analyse les mécanismes du snobisme et du dandysme. L’écart n’est pas grand du pathétique Monsieur Jourdain au condescendant baron de Charlus de « la Recherche du temps perdu », car « le snobisme suppose, comme sa condition, une société construite comme un édifice de castes, où chacun s’imagine d’autant plus envié ou méprisé qu’il appartient à l’une ou à l’autre ». Le snob doit apparaître, être capté par la représentation d’autrui, il n’existera qu’autant qu’il est vu, puisque les autres n’existent qu’autant que je les vois. Aussi son existence devra s’éparpiller en une pluralité de signes, de goûts, de préférences et d’exclusions.
Bien différente semble l’attitude du dandy. N’exhibe-t-il pas tous les signes d’une « vie devant son miroir » qui se fiche éperdument de votre approbation ? Si le snob a besoin d’être vu, le dandy vous tourne facilement le dos, vous renvoyant avec ses rubans et ses excentricités à votre minable style de vie.
Il ne faut pas s’y fier, montre Nicolas Grimaldi. Dans les deux cas, tout se passe paradoxalement « comme si l’intérêt si exclusif qu’ils ont d’eux-mêmes les plaçait dans l’exclusive dépendance d’autrui ».
Et c’est bien ce corps exhibé qu’autrui voit et qui, pourtant, est mien sans être moi. Il exprime et cache en même temps les tensions, l’attente d’un moi véritable qui, au travers du temps, signifie la persistance de la vie. Un livre magnifique.
Grasset, 172 p., 16,90 euros.
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