L’espérance de vie est une notion parfois complexe à appréhender. Étant l’un des premiers indicateurs à nous informer sur l’état de santé de la population, sa fluctuation annuelle permet de comprendre très vite l’impact que peut avoir un évènement sanitaire hors norme, comme l’a été en son temps la grippe espagnole et comme l’est actuellement la Covid-19. Elle se définit comme le nombre moyen d’années restant à vivre soit en partant de la naissance, soit à partir d’un âge X. C’est évidemment une mesure théorique que la moindre crise peut bousculer, qu’elle soit sanitaire (une épidémie avec un fort taux de létalité) ou politique (une guerre meurtrière).
Ainsi, l’espérance de vie a augmenté de façon continue en France depuis la fin du XIXe siècle — permettant de gagner en moyenne 4 mois par an jusqu’en 1995, puis 2 à 3 mois par an à partir de 1996 - sauf pendant les deux guerres mondiales et les épidémies de grippe dite « espagnole » en 1918, l’oubliée de 1949 et celle dite « de Hong Kong » en 1969. La résilience d’une société face à un évènement traumatisant se mesure également à la façon dont l’espérance de vie « rebondit » quand cet évènement prend fin : amélioration des conditions de vie (hygiène, alimentation), traitement efficace (préventif ou curatif).
Une pandémie plus meurtrière que les guerres
La pandémie d’infection à SARS-CoV2 et la mortalité par Covid19 qui lui est associée est l’évènement cataclysmique majeur de ce XXIe siècle, bien plus meurtrier sur une courte période que les diverses guerres que l’on a pu connaître depuis que ce siècle est né. Les dernières estimations de létalité de l’Organisation Mondiale de la Santé rapportent un nombre de morts supérieures à 6,5 millions, mais sans doute ce chiffre est-il très sous-estimé en particulier dans les pays à revenus bas et intermédiaires, il est même avancé dans certaines régions des chiffres 5 fois supérieurs aux chiffres officiels. Dans tous les cas, cette létalité excessive n’a pu qu’influencer négativement l’espérance de vie de toutes les générations confrontées à la pandémie, et en particulier celles les plus vulnérables face au virus.
Une équipe internationale vient justement de se pencher sur cette perte d’espérance de vie et les résultats de ses travaux sont riches d’enseignement. Tout d’abord, en France, l’espérance de vie est revenue en 2021 au niveau qu’elle avait en 2019, avec un gain moyen d’espérance de vie à la naissance de 5 mois (après en avoir perdu entre 5 et 6 en 2020, que ce soit l’espérance de vie à la naissance ou à 60 ans). Ce retour au niveau d’espérance de vie de 2019 est principalement dû à une baisse de la mortalité chez les plus de 60 ans, les premiers contributeurs à la mortalité excessive vécue en 2020, alors même que la mortalité des moins de 60 ans n’a pas varié, même au cœur de la pandémie. Par ailleurs, il a été noté une mortalité par cause autre que la Covid-19 en baisse significative sur cette courte période de 2 ans, sans préjuger de l’impact à plus long terme de possibles retards de diagnostic de pathologies chroniques. Quand la variation de l’espérance de vie est analysée en fonction du genre, sans surprise, il est montré de façon globale que celle des femmes a été beaucoup moins affectée par la pandémie que celle des hommes, avec même en France, une augmentation de cette espérance de vie chez les femmes proche de celle attendue en l’absence de Covid19.
Enfin, et c’est peut-être le résultat le plus attendu de ce très informatif travail de recherche, et celui qui risque de faire grincer beaucoup de dents : la perte d’espérance de vie est inversement corrélée au pourcentage de personnes avec un schéma vaccinal deux doses à la fin de 2021. Ainsi, des pays comme la France qui ont eu bon an mal an une couverture vaccinale supérieure à 70 % sont également ceux qui ont expérimenté la plus petite perte d’espérance de vie, une corrélation significative dans toute la population Française, mais encore plus forte chez les plus de 60 ans.
Beaucoup de leçons peuvent être tirées de ces travaux qui montrent combien il est important de prendre de la distance et de laisser à la science le temps de se construire. Quand on compare la situation de la France par rapport à ses autres voisins proches, il apparaît que sa situation est plutôt enviable sur le plan de l’espérance de vie. Il est donc fort probable que les décisions politiques, économiques et sanitaires qui ont été prises dans l’urgence se révèlent avoir été les bonnes et ont permis de sauver de nombreuses vies. S’il fallait encore le souligner… seul le temps permet de trier le bon grain de l’ivraie, c’est vrai des paroles mais aussi des actes.
EXERGUE : Il est fort probable que les décisions qui ont été prises se révèlent avoir été les bonnes et ont permis de sauver de nombreuses vies.
Refs : - https://www.insee.fr/fr/statistiques/4961641#tableau-figure1_radio1 - Jonas Schöley, et al. Nature Human Behavior https://doi.org/10.1038/s41562-022-01450-3 - Jose Manuel Aburto, International Journal of Epidemiology https://doi.org/10.1093/ije/dyab207
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