Environ 80 à 100 millions d’articles scientifiques sont indexés dans les bases documentaires anglo-saxonnes. Combien sont peu fiables ou inutiles ? En 1994, D Altman, un statisticien anglais, a été l’un des premiers à alerter contre la mauvaise recherche. En 2005, J Ioannidis, un méthodologiste américain, a estimé que la plupart des articles étaient faux. Son article de PLOS Medicine a été cité plus de 11 000 fois ! En 2015, R Horton, rédacteur en chef du Lancet, après une réunion avec 70 experts, a estimé que peut-être 50 % de la littérature biomédicale serait fausse. Quelles que soient ces données, une conclusion s'impose ; une partie de la littérature devrait être corrigée ou invalidée pour éviter la propagation de dogmes scientifiques en citant des recherches fausses ou embellies.
La correction de la littérature scientifique devrait permettre de ne diffuser que des informations fiables. Mais, selon qu'il s'agit d'écarts avec les normes actuelles de bien-pensance ou de soupçons ou preuves de manipulations de données, l'intervention ne sera pas la même. Les rédacteurs de revues scientifiques ont en effet trois outils à leur disposition : la correction ou erratum n’affectant pas le contenu de l’article, la mise en garde indiquant qu’une investigation est nécessaire, ou la rétractation qui retire un article du corpus des savoirs (l’article reste consultable).
Éliminer les articles qui propagent une science fausse
La rétractation permet de retirer un article de la littérature en signalant que l’article ne doit plus être considéré comme fiable. L’article reste accessible pour permettre aux chercheurs de tenir compte des erreurs ou fraudes dans leurs autres recherches, et aux historiens d’étudier la science. Sur le format électronique de l’article, l’éditeur appose la mention ‘Retracted’, souvent en lettres grasses majuscules à l’encre rouge et en surimpression.
Le plagiat, les erreurs honnêtes, les fraudes et autres pratiques discutables en recherche sont les causes les plus fréquentes de rétractation. Les rétractations nécessitent l’accord des auteurs ou une preuve suite à une investigation d’un employeur dans les dossiers des chercheurs. Des auteurs qui savent que des erreurs invalident leurs articles ne disent rien. La décision de rétracter est prise par le rédacteur en chef de la revue. Selon le blog Retraction Watch (https://retractionwatch.com/), les rétractations augmentent : 45 par mois en 2010, versus 300 par mois en 2021. La base de données contient 35 000 rétractations, à comparer aux plus de 80 millions d’articles existants… On rêve !
Amender des articles qui ne correspondent plus aux normes actuelles ?
Des revues médicales voudraient aller plus loin dans le nettoyage de la littérature, mais ce n’est pas encore largement accepté. Des contenus potentiellement offensants seraient plus fréquents dans les articles anciens. Pour les articles récents, les réseaux sociaux alertent et commentent des articles discutables. Les lecteurs jugent.
Il y a quatre situations : le langage offensant, accepté pendant un temps, par exemple des termes raciaux, est devenu inapproprié ou nuisible ; les visions offensantes (le langage n’est pas explicitement inapproprié, mais le ton de l’article est offensant selon les standards de 2022) ; la science nuisible (des recherches scientifiques qui ont contribué à nuire à certains groupes, comme la thérapie d'aversion pour les homosexuels) ; le contenu mal utilisé (un contenu qui a été utilisé ou mal représenté en dehors de son contexte pour supporter un agenda, comme des contenus haineux).
Il n’est ni possible, ni souhaitable de relire toutes les archives ! S’il y a problème dans l’article, une note pourrait être mise en exergue pour les articles électroniques (mais les articles papiers dormiront tranquilles sans cette note) : « Veuillez noter que cet article contient un langage ou des idées potentiellement dangereux ou offensants… Bien qu'une partie de ce contenu n'ait pas été considérée comme nuisible au moment de sa publication, nous reconnaissons aujourd'hui qu'il peut contribuer à des préjudices ou les perpétuer… ».
Ces débats sont bien loin d’être tranchés, mais les corrections des articles faux sont trop rares.
Exergue : Les conflits d’auteurs sont la première cause de dysfonctionnement des équipes de recherche
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