Vous allez probablement, à la lecture du titre de cette chronique, vous demander quel lien il peut y avoir entre la pandémie Covid-19 qui entame sa 3e année d’existence en mars 2022 et « l'art de faire la différence entre ce qui relève de la science et ce qui relève de la croyance », définition qu’a donnée Richard Monvoisin, universitaire enseignant à Grenoble, de la zététique dans son cours « Zététique et auto-défense intellectuelle ». L’un des objectifs de celle-ci est de contribuer à l’émergence consciente chez chaque individu, d'une capacité d'appropriation critique du savoir humain. Elle recommande d’ailleurs de s’appuyer sur la méthode scientifique pour essayer d'appréhender efficacement le réel : observation / hypothèse / expérience / évaluation.
Lors des Rencontres de l’Esprit Critique (https://rec-toulouse.fr/) qui ont eu lieu à Toulouse il y a quelques jours, il a beaucoup été question de zététique… et de la façon dont elle a aidé à mieux comprendre et démonter les mécanismes sous-tendant la désinformation en matière de Covid-19, et c’était bien nécessaire ! Car la désinformation a concerné chaque aspect de la pandémie Covid et déconstruire l’infodémie (épidémie de désinformation…) demande encore maintenant énormément d’énergie, suivant en cela la fameuse loi de Brandolini (encore appelée loi d’asymétrie des baratins, elle stipule que « la quantité d'énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d'un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire »)…!
Et il est d’ailleurs intéressant de noter que ceux qui hurlaient au manque de masques en 2020 sont les mêmes que ceux qui hurlent au bâillonnement de la population en 2022, quand en cette période d’intense circulation virale on souhaite maintenir le port du masque dans les situations de forte promiscuité (avion, métro…). De même, un courant contestataire de la vaccination anti Covid s’acharne à vouloir prouver qu’une part de la mortalité actuelle est due aux effets secondaires des vaccins, « qui ne servent à rien puisque même vaccinés, on continue de s’infecter ». Et ainsi de l’efficacité de soi-disant traitements « précoces » très efficaces (ivermectine, vitamine D, zinc, et maintenant curcuma, comme en son temps hydroxychloroquine et azithromycine) mais que l’on ne voudrait pas utiliser pour permettre aux laboratoires (Ah, Big Pharma !) d’écouler des médicaments toxiques et chers pour enrichir leurs actionnaires. Et je ne parle même pas de l’origine du Sars-CoV2, encore non établie, et qui par cette inconnue, prête le flanc à toutes les théories les plus extravagantes (incluant la possibilité d’être une chimère de laboratoire dérivée du VIH).
Illusion de vérité
Pourtant, nous aurions tort d’analyser le clivage de la société sur la question de la pandémie Covid-19 selon le seul prisme de la capacité de chacun d’appliquer (même inconsciemment) les règles du « scepticisme philosophique » (dont dérive la zététique) à l’analyse d’évènements inexpliqués donc angoissants. Car l’esprit critique s’apprend, n’est pas forcément intuitif et nécessite d’avoir un guide qui nous conduit dans les méandres des biais cognitifs dans lesquels on tombe très souvent. Quelques-uns de ces biais ont particulièrement nui à la compréhension qu’a eue la société de la pandémie : l'effet Dunning-Kruger qui a amené nombre de citoyens les moins compétents à surestimer leurs compétences et les plus compétents à les sous-estimer ; ou encore L'effet de vérité illusoire (ou effet d'illusion de vérité) qui est la tendance à croire qu'une information est vraie après une exposition répétée à cette information.
Dans cette jungle de dérives psychologiques où il a souvent été difficile de remettre de la raison, il est en tout cas une certitude, c’est que l’enseignement de l’esprit critique est fondamental pour placer la rationalité au cœur des actions de chacun. Alors qu’une nouvelle mandature présidentielle débute et que le discours du président de la République s’est beaucoup axé sur l’avenir et l’éducation des jeunes comme une des grandes priorités du nouveau quinquennat, il est essentiel de bien comprendre que prévenir de nouvelles pandémies comme celle que l’on vit va nécessiter bien sûr une réforme majeure de notre système de santé et de surveillance sanitaire.
Mais à côté de cette évidence, il en est une qui l’est moins : si la population a mal vécu la pandémie, c’est aussi parce que beaucoup de citoyens ne possédaient pas les outils cognitifs pour appréhender un évènement gravissime facteur d’effraction psychique. L’éducation, l’information, et « l’empowerment » (capacité à s’approprier les connaissances pour agir par soi-même) des jeunes vis-à-vis de la science devraient être ainsi placés au cœur de l’action publique, et ceci est valable pour la santé, mais également pour le climat, deux grandes priorités pour notre société de demain.
Exergue : L’un des objectifs de la zététique est de contribuer à l’émergence chez chacun, d'une capacité d'appropriation critique du savoir humain.
En partenariat avec France Info
C’est ma santé : recette pour éviter le mal des transports
C’est vous qui le dites
« Faire un diagnostic au téléphone est une folie »
Il est parfois utile de prendre de la hauteur avant de parler des médecins généralistes
La fin de la liberté à l’installation : « victoire » à la Pyrrhus