Depuis la nuit du 2 avril 2025 et le vote par l’Assemblée, à 23 h 50 en faveur de la réintroduction de l’article 1 de la proposition de loi de Guillaume Garot, le PS et consorts jubilent. À 155 voix contre 85, excusez du peu dans un hémicycle qui est censé contenir 577 députés, ces derniers parlent de « victoire » sur les réseaux sociaux. Comme si les ennemis désignés par ces représentants élus de l’État, dont certains n’ont jamais exercé une activité autre que celle de leur députation, étaient les médecins. Comme si, leurs prédécesseurs voire eux-mêmes pour les plus âgés, n’avaient aucune espèce de responsabilité dans ce désastre qu’est la démographie actuelle française.
Une mesure démagogique et électoraliste
En effet, ces députés sont fiers d’avoir réintroduit cet article instaurant la fin de la liberté d’installation des médecins, quelle que soit leur spécialité, sauf à bénéficier d’une autorisation, sur des critères un peu flous. Ne nous y trompons pas, cet argument est purement démagogique et électoraliste, histoire de pouvoir retourner près des électeurs en leur disant « oh, regardez, j’ai voté pour que vous ayez un médecin », tout en séchant les larmes dont aurait été témoin notre Premier ministre. Larmes souvent feintes, tant certains premiers magistrats des communes de France n’ont eu de cesse de répéter : « L’organisation de la santé n’est pas une des prérogatives des maires » ou, en catimini « Ne comptez pas sur moi pour lever le petit doigt pour aider ces médecins nantis ». Heureusement, leur association et ses représentants ont, eux, bien compris le désastre à venir que sera cette fin de la liberté d’installation et s’y sont opposés.
Nos chers députés en ont-ils bien évalué les conséquences ?
Guillaume Garot et consorts portent donc en étendard cette prétendue victoire contre on ne sait qui, au final. Mais à bien y regarder, de nombreuses questions sont soulevées par ce vote. Nos chers députés en ont-ils bien évalué les conséquences ? Ont-ils prévu d’aller faire preuve de pédagogie auprès de leurs collègues élus pour d’autres mandats, afin de leur expliquer que leur commune, classée comme « mieux dotée » ou « beaucoup mieux dotée » que la normale, alors qu’elles ne sont « que » tout juste normalement dotées, ne pourrait plus voir s’installer de nouveaux médecins, quand bien même ceux-ci le souhaiteraient ? Ont-ils prévu d’expliquer que ce classement était fondé sur des statistiques regroupant tous les médecins d’un territoire donné ? Tous, sans exception ? Qu’ainsi, tout médecin pratiquant un « exercice particulier exclusif », par exemple de la médecine esthétique comme l’avait souhaité un temps notre ancien ministre Olivier Véran, se retrouvait inclus dans les statistiques ? Que certaines communes (ou même arrondissements parisiens) ne pourraient pas voir s’installer de nouveau généraliste car l’offre de soins en épilation du sillon interfessier était au-dessus de la moyenne ?
Pourquoi ne pas lutter contre les certificats absurdes ?
Ces députés n’auraient-ils pas pu rêver de meilleures victoires ? Comme celles sur les certificats absurdes encore demandés car ces mêmes députés les ont inscrits sans aucune raison médicalement justifiée dans la loi et qui font perdre un temps médical considérable ? N’auraient-ils pas pu, à l’instar de nombreux de nos voisins, envisager un dispositif pour les arrêts de travail de courte durée pour des pathologies bénignes, qui de la même manière font perdre du temps ? Par exemple, quand une patiente a eu un diagnostic de cystite et le traitement adéquat délivré par son pharmacien mais qu’elle doit malgré tout prendre rendez-vous chez son médecin pour justifier de son absence pour la journée sur son lieu de travail ?
N'ont-ils pas comparé les cartes de répartition sur le territoire entre professions réglementées (pharmacien, infirmiers et infirmières) avec celle des médecins, pour constater que la profession la mieux répartie sur le territoire n’était justement pas celle où les pouvoirs publics avaient un pouvoir décisionnaire ?
Car, ne nous y trompons pas une fois encore, il manque de médecins partout. En ville. À l’hôpital. Et même dans des structures privées qui fleurissent çà et là, promettant à ceux qui viennent travailler chez eux un salaire mirobolant contre quelques heures de travail à réaliser des soins non programmés. S’il fallait choisir entre un travail avec peu de contraintes, un bon salaire et du personnel pour les tâches administratives (toute ressemblance avec un poste de député étant purement fortuite) et un poste de médecin généraliste libéral par exemple, avec son lot de certificats et documents en tous genres, ses horaires de travail titanesques en contrepartie d’une rémunération horaire à peine supérieure à celle d’un ingénieur, pourrions-nous blâmer ceux qui choisiraient d’être « comme un député » ?
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