Très régulièrement nous apprenons que des maisons de santé municipales, associatives, ou financées par le budget de conseils régionaux fleurissent dans nos villes et campagnes. Le but pour les pouvoirs publics est de rendre attractif l’exercice médical, et de ce fait lutter contre la désertification médicale.
Les jeunes générations, mais pas seulement, sont comme les éphémères attirés par cette nouvelle forme de travail qui permet d’avoir plus de loisirs et une vie privée de qualité.
Cependant, certains médias mettent en avant les difficultés de certaines structures associatives pour assurer la pérennité de ce système qui devient très rapidement un gouffre financier.
Par ailleurs, certaines collectivités conscientes également des frais colossaux engendrés par ces regroupements demandent aux professionnels de santé de devenir en 35 heures plus performants (consultation toutes les 10 minutes, par exemple), cela pour permettre aux contribuables de ne pas payer une facture trop salée, et en parallèle réduire la demande de soins de la population environnante.
On ne donne une réponse concise qu’à une seule question formulée.
Le médecin libéral a la capacité de mener des consultations comme son confrère en 10 minutes, et de ce fait peut les enchaîner à un rythme effréné. Certains sont des adeptes de ce type d’exercice, mais pas autant que nous voudrions le penser.
Le médecin libéral est un médecin traitant
En fait le plus souvent le médecin traitant (ce terme indique que le professionnel de santé effectue une prise en charge optimale du patient) est le garant de la santé de son patient et fréquemment de toute sa famille.
Ainsi au fil des années (je parle surtout du médecin qui est reste installé dans une même zone géographique durant plusieurs décennies), le praticien connaît toute une communauté, son quartier voire son village. Il a vu grandir les enfants, et il est heureux de prendre en charge les petits-enfants.
Cette situation est à mon goût privilégiée, et permet à certains collègues de devenir plus intrusifs mais aussi plus efficaces dans certains domaines (cas de la prévention notamment).
À ce titre je souhaite raconter l’histoire d’une famille que je connais très bien, et qui a eu trois enfants (je les ai tous suivis depuis leur naissance). Le souhait du couple était initialement d’avoir un garçon, et il leur a fallu attendre la troisième grossesse pour exaucer leur vœu.
Au fil des années j’ai pu consulter « le jeune homme » de la famille qui était dyslexique, dysorthographique, et de ce fait avait quelques difficultés scolaires. Sa mère était très anxieuse en ce qui concerne l’avenir de son enfant du fait de résultats qui laissaient à désirer. Cependant, il a déjoué tous les pronostics, et contrairement à ses sœurs qui n’ont pas réellement réussi sur un plan professionnel, il gagne très bien sa vie.
De plus, il est comblé en ce qui concerne sa vie privée, et du fait d’une grande complicité avec moi, il vient régulièrement (il habite maintenant en région parisienne) faire un point sur ses problèmes de santé qu’il ne souhaite confier à aucun autre praticien.
Au cours de nos échanges, il m’a informé qu’il était homosexuel, et qu’il ne savait pas comment l’annoncer à ses parents. Je lui ai permis d’avoir l’assurance et lui ai donné plus de confiance pour qu’il puisse affronter avec son compagnon l’éventuelle colère de ses parents.
Quelques semaines plus tard, j’ai consulté la mère qui avait une bronchite virale. À la fin de la consultation, elle s’est assise près de moi pour narrer « ses déboires » avec son fils, m'expliquant l'annonce de son homosexualité à toute la famille au cours d’un repas.
Comme elle affirmait que cela ne la gênait nullement (c’est bien entendu la version qu’elle essayait de me vendre), mais qu'elle ne comprenait pas pourquoi son mari était indifférent à cette annonce, et surtout les fautes éducatives qui pouvaient être responsables du choix de son fils. J’ai rapidement compris son désarroi, et durant près de 30 minutes je lui ai expliqué qu’elle devait être fière de ses enfants. Elle était avant tout une femme extraordinaire qui avait donné des valeurs de qualité à ses enfants. Le choix de son fils n’était bien entendu pas celui qu’elle souhaitait, mais elle devait avant tout faire le nécessaire pour qu’il soit heureux, et elle en serait probablement satisfaite en retour.
Cette approche des patients, souvent chronophage (on ne règle pas tous les problèmes en 10 minutes), est celle qu’un médecin de famille libéral aime avoir, car son but est avant tout d’assurer le bonheur de son entourage.
C’est la raison qui conduit de nombreux professionnels libéraux à travailler au-delà des 35 heures prônées par certains pouvoirs publics. Un médecin est avant tout un humaniste, fier de prendre soin de ses patients qu’il chérit parfois autant que sa famille.
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