J’ai lu et relu le courrier de mon confrère, évoquant sa recherche d’une qualité de vie qu’il n’a pas trouvée dans son métier de généraliste libéral, et je me permets de lui faire réponse. Sa vision des choses semble binaire :
– médecin libéral installé, taillable et corvéable à merci, avec enterrement de 3e classe à la clef,
– médecin salarié de la Sécu, heureux, épanoui et forcément bien dans sa vie.
Je caricature à dessein mais je pense qu’entre ces deux extrêmes, il existe des formes de médecine libérale, de famille, parfaitement équilibrantes et structurées.
Mon expérience de terrain, installé seul, dans ma maison, avec une épouse « chargée » de s’occuper de nos quatre enfants, le tout avec des horaires bien chargés, et cela durant 35 ans, a probablement vécu, bien que je revendique une qualité de travail et un équilibre professionnel, incomparables par les retours que j’ai pu recevoir : car palper un ventre, ausculter cœur et poumons, examiner un petit minot de deux mois après une grand-mère de 90 ans, c’est exaltant, et ô combien, enrichissant !
D’autre part, êtes-vous bien sûr que les 35 heures, les congés payés, l’absence de charge mentale du week-end, tout ce temps pour être père, compagnon et pratiquer le bricolage, êtes-vous sûr que cela vous mette à l’abri du divorce, du malheur des enfants, de l’AVC et de l’IDM, voire du burn-out ?
Je respecte votre choix de devenir médecin salarié : il en faut sûrement et il y en a toujours eu. Mais le contact physique par l’examen clinique, et psychique par l’écoute empathique, ne doit pas disparaître demain au profit d’une recherche de confort de vie des professionnels ; car les patients seraient les grands perdants de cette évolution.
Pour finir, eu égard aux possibilités actuelles de regroupement, de travail en réseau, de moindre exigence financière par le travail des couples, la médecine de famille, a, je l’espère, encore de beaux jours devant elle. Encore faut-il y croire, et s’investir, certes différemment, mais en n’oubliant pas pourquoi on a choisi ce métier si difficile mais si riche.
Dr Philippe Neff, Boult-sur-Suippe (Marne)
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