Un hôpital doit-il se réjouir ou se morfondre de la baisse de ses chiffres d’admissions de patients ? Il faut que les acteurs du système de santé, au premier rang desquels le ministère, se posent collectivement ce type de question ; qu’ils se confrontent à cet exercice d’abstraction philosophique. Car avant d’être une question d’ajustements financiers, le sujet de la rémunération des établissements de santé est une question de valeurs éthiques et d’objectifs de santé publique.
Le financement par la tarification à l’activité (T2A), rémunérant les établissements en fonction du nombre de séjours réalisés, a été largement présenté comme étant le principal responsable de la situation budgétaire difficile de l’hôpital public et du mal-être du personnel soignant. Avant de jeter la T2A avec l’eau du bain, il faut cependant rappeler une évidence politique : la technique budgétaire doit être au service d’une vision politique claire et partagée. Aussi, faisons le pari de répondre aux besoins de la population avant de répondre aux intérêts catégoriels.
Une logique délétère
La réponse aux besoins de la population est difficilement compatible avec le respect d’un objectif de dépenses de l’assurance maladie (Ondam). Celui-ci impose depuis peu une logique délétère, contraire aux valeurs fondatrices de la Sécurité sociale : prioriser les économies par rapport à l’évolution naturelle des dépenses de santé. Ainsi, toute technique d’allocation de ressources aux hôpitaux dans un système de financement socialisé s’inscrit dans un mécanisme de rationnement. Pour autant, ce mécanisme doit permettre aux décideurs hospitaliers de garantir la performance de leur établissement, au sens de la santé publique et au service du public, de manière prospective et décentralisée. Il est temps de faire le pari qu’en laissant une certaine liberté d’organisation aux acteurs, ceux-ci puissent trouver à l’échelle locale des modalités d’organisation favorables à la prévention et à la prise en charge personnalisée des malades permettant in fine de réaliser des économies budgétaires. En d’autres termes, il s’agit de passer d’un système centralisé, administré et comptable à un système décentralisé et régulé. Il doit être même envisageable que l’État laisse la discrétion aux acteurs territoriaux de choisir parmi plusieurs modes de financement de leurs activités celui correspondant aux besoins de santé publique locaux.
À titre d’exemple, mettre fin à un système de santé hospitalo-centré, volonté affichée par les pouvoirs publics depuis des années, doit s’accompagner d’une méthode de financement permettant d’atteindre cet objectif. La T2A n’encourage pas l’hôpital à s’ouvrir sur son environnement et à se coordonner avec la médecine de ville. Un financement de parcours, au forfait, comprenant la préadmission, l’hospitalisation et le retour à domicile, impliquerait l’organisation d’un accompagnement de qualité du patient, éviterait les actes redondants et les réadmissions. Un financement rémunérant les acteurs en fonction de leur compétence serait souhaitable, incluant le prix de la sanction pour les manquements.
De la même manière, pour les malades chroniques, une prise en charge des parcours patients financée par des forfaits rémunérant l’intervention des différents acteurs au niveau local, comprenant la prévention, l’éducation à la santé, le sport-santé, la coordination des professionnels et le soutien aux aidants serait adéquate. Celle-ci permettrait, pour le premier recours comme pour l’hôpital, de tendre vers une prise en charge globale des patients à risque, avec comme premier objectif d’éviter leur hospitalisation. En ce sens, un hôpital pourrait se réjouir de voir le nombre de ses admissions baisser, ce qui ne peut être le cas avec un système fondé uniquement sur la tarification à l’activité, comme sur le paiement direct des actes en ville.
Autre exemple, pour promouvoir des soins de qualité, la T2A peut tout à fait s’accommoder de mesures ambitieuses : prise en compte des avis des malades après leur hospitalisation, baisse des tarifs en cas de réadmission pour le même motif ou de non-conformité aux recommandations de bonne pratique.
Réformer la T2A sans se poser la question des valeurs éthiques et des objectifs de santé publique revient à reproduire, à coup sûr, les mêmes travers, simplement financés différemment. Les acteurs de santé, pourtant, ne manquent ni de valeurs, ni d’idées – parfois, simplement d’écoute.
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