Quel plaisir de lire ce texte.
Il évoque une situation que je dénonce depuis longtemps, dès avant 2010, sur mon blog. À l'époque, j'écrivais : « Nous vivons dans le leurre de la démocratie. Ce temps est révolu. Sans nous en rendre compte, nous sommes dans un régime que j'appellerai : "administrato cratie". C'est l'administration qui nous gère. Ils ont l'information, les leviers de gestion, la haute main sur l'argent et la continuité. Nous élisons des parlementaires, des conseillers, des tas de gens.
Au gré des élections, ils changent.
L'Administration reste et les dossiers continuent. La porcelaine et le décor de table changent, le contenu de l'assiette reste. Des projets sont lancés par des technocrates qui analysent des documents, consultent des statistiques. Ils ont des idées. Ils en font des dossiers. Ils les préparent, les "montent", les servent bien enrobés d'arguments qui s'appuient sur des documents sélectionnés par leurs soins. Les politiques signent, convaincus du bien-fondé de la chose. Le train est lancé, l'Administration, constante, veillera à ce qu'il arrive à bon port. »
Elle ne peut être que constante : ils se forment entre eux. L'ENA n'est-elle pas un bel exemple de pouponnière modèle ? Les bébés qui en sortent, quelque que soit leur couleur politique, ont été formatés. Ce formatage est constant : à l'école des cadres, l'impétrant part infirmière ou infirmier, il en ressort cadre, un authentique lavage de cerveau. Il n'a plus de « soignant » que l'appartenance au corps professionnel. Il ne pense plus en soignant mais en gestionnaire.
Le patient : une fiche, un numéro, une donnée statistique, un GHM quand il a de la chance, un objet de réunion. Je ne m'étonne pas qu'aux États-Unis, les Présidents nouvellement élus, commencent par changer tous les cadres supérieurs de leurs nouvelles administrations. Ils ont compris comment mettre en place leurs propres politiques.
Sinon c'est elle qui dirige car elle possède l'information, les leviers du pouvoir et dispose de l'argent.
En résumé
L'administration possède tous les leviers de décision. Elle gère les finances et en dispose. Elle possède des leviers de l'information, celles qu'elle récolte et celle qu'elle distille. Plusieurs fois, je l’ai prise en flagrant délit de mensonges.
L'administration se forme elle-même. Elle se nomme elle-même, elle se contrôle elle-même. Une mainmise totale !
Si nos livres et professeurs d'économie nous enseignent que la charge principale dans le budget d'une entreprise, repose sur la masse salariale, il faut transposer cela au niveau de l'hôpital : la « matière première » qui est transformée, c'est le patient, le malade. Le moteur qu'il faut absolument préserver et entretenir, ce sont les soignants. Ce qu'il faut réduire et rationaliser pour faire des économies, ce sont ceux qui dirigent le moteur : l'administration.
En 25 ans à l'hôpital, nous sommes passés de 1 à 12 directeurs ou assimilés.
Cela m’a fait écrire au frontispice de mon blog : « L'hôpital en désespoir de cause, ou cause de désespoir. Pourquoi parviens-tu à nous démobiliser, nous démotiver, à broyer nos vocations ? Nous qui sommes arrivés ici avec tant d'espoir, d'illusion, de rêves. »
Hôpital, je te hais autant que je t'aime.
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