Les effectifs de médecins généralistes continuent de diminuer en France, et cette baisse devrait encore se poursuivre pour quelques années.
D’après les dernières données de la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la Santé), au 1er janvier 2022, les effectifs des médecins généralistes en France étaient passés sous la barre des 100 000 pour s’établir à 99 941.
Une tension démographique qui impacte les perceptions et les pratiques des médecins généralistes. En effet, d’après le quatrième Panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale* publié ce jeudi 25 mai, l’érosion du nombre de praticiens se fait sentir. L'étude porte sur l'enquête menée en 2022 mais aussi une comparaison avec celle réalisée en 2019*.
Difficultés d'adressage vers les paramédicaux et les spécialistes
Ainsi début 2022, 78 % des généralistes interrogés jugent l’offre de médecine générale insuffisante dans leur zone d’exercice, alors qu’ils étaient 67 % en 2019.
« Cette évolution est principalement liée à l’augmentation marquée de la part des médecins jugeant l’offre très insuffisante : elle est passée de 22 % en 2019 à 34 % en 2022 », détaille les auteurs.
Et ces perceptions sont cohérentes avec la réalité du terrain puisque comme l’explique la Drees, elles correspondent avec la situation décrite par l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL). Ainsi, 50 % des médecins exerçant dans les territoires les moins dotés en médecins généralistes la trouvent très insuffisante, contre 20 % des médecins exerçant dans les territoires les plus dotés.
Mais ces difficultés ne se limitent pas à la médecine générale. En effet, 87 % des médecins généralistes déclarent, début 2022, avoir des difficultés à orienter vers des confrères d’autres spécialités (contre 77 % en 2019). L’évolution la plus marquée est celle concernant l’adressage vers des professions paramédicales. 62 % des médecins indiquent ainsi en 2022 avoir des difficultés à orienter leurs patients vers ces professionnels, alors qu’ils n’étaient que 39 % en 2019.
« Les difficultés sont d’ailleurs plus marquées dans les zones ayant la plus faible accessibilité aux infirmières libérales : 71 % des médecins y éprouvent des difficultés pour orienter leurs patients vers des professionnels paramédicaux contre 57 % des médecins des zones les plus dotées », ajoute la Drees.
Près de la moitié des médecins généralistes (47 %) déclarent aussi être confrontés à des difficultés pour orienter leurs patients vers des services d’aide à domicile ou d’aide à la personne.
Ces tensions démographiques ont un impact sur l’organisation et les pratiques des généralistes. Ils sont nombreux à adopter des « adaptations ». Huit ont été sélectionnées dans l’étude : refuser de nouveaux patients comme médecin traitant, refuser des patients occasionnels, faire plus d’heures de travail, raccourcir les durées de consultation, rogner sur le temps de formation, augmenter les délais de rendez-vous, voir moins fréquemment certains patients et déléguer certaines tâches.
De plus en plus nombreux à devoir refuser des patients
La quasi-totalité des médecins (98 %) mettent en place au moins une mesure d’adaptation. Si les auteurs soulignent que le « recours des médecins à chacune de ces modalités est resté globalement stable entre les deux vagues d’enquête », il y a malgré tout eu une aggravation sur les refus d’être médecin traitant. Ainsi 65 % des médecins déclarent être amenés à refuser de nouveaux patients comme médecin traitant alors qu’ils étaient 53 % en 2019. La prise en charge des patients souffrant de maladies chroniques a aussi évolué. 44 % des généralistes indiquent voir moins souvent certains patients suivis régulièrement (contre 40 % en 2019). En 2022, les médecins sont en revanche un peu moins nombreux à être amenés à refuser des patients occasionnels dont ils ne sont pas le médecin traitant (40 %, contre 45 % en 2019).
Logiquement, les médecins exerçant dans les territoires les moins dotés en médecins généralistes mettent en place davantage de mesures d’adaptation : 4,1 en moyenne contre 3,4 pour ceux des zones les plus dotées. « En outre, les médecins qui adaptent le plus leurs pratiques sont également ceux qui estiment avoir le plus de difficultés liées à la démographie médicale dans leur territoire d’exercice. Quels que soient les critères considérés », précise la Drees.
L’étude a distingué trois profils de médecins selon les stratégies d’adaptation. Les deux premiers rassemblent plus de la moitié des médecins et réunissent ceux qui s’adaptent de multiples façons à l’offre de soins de leur territoire. Ils sont plus jeunes que ceux du troisième groupe (45 % des médecins) qui mettent peu de mesures d’adaptations en place (respectivement 38 % et 34 % de médecins de moins de 50 ans dans les deux premiers groupes, contre 20 % dans le troisième).
Le premier profil concerne 20 % des médecins. Les praticiens qui en font partie se distinguent par le fait qu’ils délèguent des tâches et qu’ils exercent en groupe (81 %, contre 71 % de ceux du profil 2 et 63 % du profil 3). Ils sont aussi plus nombreux à pratiquer un exercice coordonné, en exerçant dans des maisons de santé pluriprofessionnelles (32 %) ou des équipes de soins primaires (24 %) ou en s’impliquant dans des CPTS (43 %). Les médecins qui mettent en œuvre le plus de mesures sont également ceux qui exercent dans les zones les moins dotées en médecins généralistes : 30 % de ceux du profil 1 exercent dans ces zones (contre 16 % des médecins du profil 2 et 16 % du profil 3).
*Cette vague d’enquête a été menée par internet et par téléphone entre le 5 janvier et le 22 avril 2022 auprès de 3 300 médecins généralistes libéraux, installés au 1er janvier 2018, ayant au moins 200 patients dont ils sont le médecin traitant et sans mode d’exercice particulier exclusif.
*Vague d’enquête menée entre octobre 2018 et avril 2019, à laquelle 3 100 médecins avaient répondu et dont les résultats avaient publié début 2020.
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