Plus de malades, plus de problèmes ! En Sarthe, à l'approche des élections municipales, les édiles de neuf communes ont trouvé une solution pour pallier la désertification médicale : interdire, via un arrêté, à leurs administrés d’être malades. Le texte paraphé par les élus stipule qu’il est interdit aux habitants « d’avoir un accident ou un malaise grave », de « vouloir bénéficier d’un accès urgent aux soins pour toute pathologie » ou encore « de naître avec des problèmes de santé ».
Bien entendu, ces arrêtés n’ont aucune valeur. « Nous cherchons, hélas, à alerter de notre situation par tous les moyens possibles et imaginables », confie Dominique Dhumeaux (photo), maire sans étiquette de Fercé-sur-Sarthe et président de l’Association des maires ruraux de la Sarthe (AMR 72), à l’origine de cette initiative.
Fin de la liberté d'installation et développement de la télémédecine
L’édile s’est inspiré d'un arrêté signé par la maire de La Gresle (Loire) en décembre, qui interdit à ses habitants de mourir le week-end. Avec « cet acte symbolique mais fort », Dominique Dhumeaux entend attirer l'attention sur la situation « catastrophique de l'accès aux soins en Sarthe ». « C’est la préoccupation première des habitants de nos communes rurales », affirme-t-il.
En alertant sur le manque de médecins, le président de l’AMR 72 espère surtout que des « décisions courageuses » seront prises par le Gouvernement : fin de la liberté d’installation et « libéralisation » de la téléconsultation. Pour l’édile, l'heure est venue de « ne plus céder à la pression des médecins ».
« On se retrouve dans cette situation (de pénurie médicale, ndlr) car depuis plus de vingt ans, personne n’a osé mener d’actions coercitives. Les syndicats de médecins sont restés totalement bloqués et figés sur leurs principes », estime Dominique Dhumeaux. Étant donné que selon des prévisions — de la Drees notamment — la chute de la démographie médicale doit encore se poursuivre quelques années, Dominique Dhumeaux explique que le gouvernement n’aura « d’autre solution que de taper du poing sur la table ».
Concernant la téléconsultation, l’élu estime que le cadre actuel, défini par l'avenant 6 à la convention médicale (actuellement renégocié), est trop contraignant et plaide donc pour une simplification de « tous les actes de la vie courante » : renouvellement d’ordonnance, suivi des pathologies chroniques, visites médicales pour le sport. « Il faut faire en sorte que la téléconsultation se démocratise au plus vite, pour libérer les salles d’attente et permettre aux généralistes d’accueillir les patients qui ont réellement besoin d’une consultation en présentiel », clame-t-il.
« La situation ne pourra s’améliorer que si ce sont les médecins qui font l’effort »
Mais en attendant d’hypothétiques « actions courageuses », que peuvent faire les édiles ? « On peut nous-mêmes se lancer dans les études de médecine, ironise le maire de Fercé-sur-Sarthe. Mais ça prendra dix ans donc ça ne résoudra pas le problème. À part crier et mettre des moyens financiers dans des maisons de santé, salarier des médecins, comme on le fait déjà, il n'y a pas grand-chose qu’on puisse faire ! »
Selon Dominique Dhumeaux, les médecins doivent prendre leurs responsabilités en ne s'installant plus dans des zones suffisamment pourvues en praticiens. « La situation ne pourra s’améliorer que si ce sont les médecins qui font l’effort, affirme-t-il. En tant qu'élus, nous voulons bien les accompagner pour trouver des structures, un logement, des locaux mais il est illusoire de penser que le problème se réglera autrement que par le monde médical lui-même, et par le courage du nouveau ministre. »
L'édile note toutefois que les internes en médecine générale ne sont pas concernés par le statut de « docteur junior », dont les émoluments ont été précisés par un arrêté récent. La preuve, selon lui, que « le lobby des médecins généralistes a fait son œuvre, et que l’intérêt général est mis de côté, au profit d'intérêts particuliers ».
Le statut de « docteur junior » permet aux internes de phase 3 (dite de consolidation) de prendre en charge des patients et de réaliser des actes médicaux en totale autonomie, pour un salaire annuel brut de 27 025 euros.
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