La cancérologie peut-elle progresser aujourd’hui sans l’apport de l’IA ? Sûrement pas, répondent les experts. Début de réponse avec le géant américain IBM qui a développé le système Watson.
Watson for oncology à la pointe ?
Lancé par IBM en 2012, l’assistant en IA Watson for oncology non seulement trouve les informations recherchées par le médecin, mais aussi les hiérarchise. Elaboré avec le centre de cancer Memorial Sloan Kettering de New York, ce système est capable d’analyser neuf types de cancers, dont celui du sein et des poumons, puis de proposer aux patients un plan de traitement personnalisé. Il n’établit aucun diagnostic, mais propose un protocole de soins hiérarchisés (chimiothérapies, exérèse chirurgicale, radiothérapie…) à partir de patients déjà diagnostiqués. Le principe de cette technologie repose sur le croisement de deux types de données : d’une part celles issues de la littérature scientifique, soit plus de 200 manuels de référence ayant trait à l’oncologie, d’autre part les données du patient au nombre de 50 à 100. Le système livre ensuite trois catégories de traitements : recommandés, à considérer et non recommandés. Watson insiste sur le fait que cet outil ne remplace pas l’avis médical. En effet, plusieurs choix sont proposés dans chaque catégorie de traitements. L’intelligence artificielle n’a pas de regard critique. Le système ne prend pas non plus en compte le coût du traitement et du fait de son mode opératoire basé sur le mode probabiliste, il peut parfois générer des erreurs grossières que seul le médecin percevra.
En réalité, l’intérêt du système tient dans sa capacité à digérer des millions de pages de la littérature scientifique. Même une équipe médicale ne sera jamais capable de tout lire et surtout de tout intégrer. Le gain de temps pour traiter l’information s’avère donc considérable.
Illustration avec les propos de John Kelly, ex vice-président des solutions cognitives au département recherche d’IBM : « Ce qu’au début Watson mettait six à neuf mois à apprendre au sujet d’un cancer, désormais il le fait en trente jours. »
Autre intérêt de cette solution : le partage du savoir. A terme, les centres de référence perdront leur avantage compétitif en matière d’information. Car même de petits établissements auront ainsi accès à l’information via le système. Toutefois, une autre inégalité risque d’apparaître, celle de pouvoir ou non l’acquérir. Ainsi, Watson for Oncology est déjà installé dans la plupart des grands centres de lutte contre le cancer américain et dans plusieurs hôpitaux d’Asie (Chine, Inde, Corée, Thaïlande) et en Slovaquie. La France est encore à la traîne.
Watson for Genomics
Un autre système développé en 2017 par IBM, Watson for Genomics, analyse quant à lui les données de patients déjà sous traitement et ayant aussi bénéficié d’une analyse génomique à partir d’un séquenceur de dernière génération. Une corrélation est alors établie entre un panel de gènes ou un génome complet et un ensemble de bases de données de génomiques publiques et privées. Adapté à tous types de cancers, le système édite ensuite trois types de traitements qui interagissent sur les mutations du patient : soit celles sont approuvées pour ce cancer, soit elles le sont pour un autre type de cancer ou bien elles sont encore sous essai clinique.
L’intérêt de Watson for Genomics réside dans le gain de temps escompté, parfois vital pour prescrire un traitement. Cette fois-ci, cette solution génomique est plutôt destinée aux grands centres qui vont pouvoir se lancer dans le grand plan génomique 2025.
OncoSNIPE® : détecter les patients résistants au traitement
Tandis que l’Américain IBM avec Watson se penche sur les traitements adaptés au profil du patient, d’autres industriels, français cette fois-ci, s’intéressent à la médecine prédictive, voire préventive.
Exemple avec la société biopharmaceutique Oncodesign qui intervient au travers de la découverte de nouvelles approches de médecine de précision directement au niveau moléculaire des pathologies.
Mi-octobre 2017, le projet OncoSNIPE® basé sur l’intelligence artificielle constitue des cohortes de patients résistants ou insensibles aux traitements. Les résistances résultent de mutations ou de modulations de l’expression de certaines protéines, notamment au niveau des kinases, cibles thérapeutiques bien étudiées.
Différents partenaires se sont réunis pour financer le budget de ce projet. Sur un budget total de 12 millions d’Euros, l’Etat contribue à hauteur de 7,7 millions d’Euros dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA). Aux côtés d’Oncodesign trois sociétés privées sont à l’œuvre. Expert System (Modène) a développé une technologie cognitive (COGITO®) d’interprétation des Big Data et des informations non structurées. Sword (Lyon) co-éditeur du logiciel ConSoRe (Continuum Soins Recherche), opère au niveau de l’enrichissement sémantique et des traitements de Machine Learning. Enfin, Acobiom (Montpellier) identifie des biomarqueurs de type ARN pour le développement de diagnostics en médecine personnalisée.
Le partenaire principal du Consortium OncoSNIPE® est Unicancer qui met à disposition pour le projet ConSoRe, sa plateforme digitale 3.0 dédiée au cancer.
Trois partenaires cliniques sont impliqués dans le consortium, deux centres de lutte contre le cancer, le Centre George-François Leclerc (Dijon) pour le sein, l’Institut Paoli-Calmettes (Marseille) pour le pancréas et un Centre Hospitalier les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS) pour le poumon. Pour chacune de ces trois indications, deux cents patients seront recrutés et bénéficieront d’un suivi longitudinal, soit un total de 600 patients. Des prélèvements de sang seront réalisés afin de réaliser une analyse des marqueurs, ainsi que prélèvements des tissus tumoraux qui permettront une caractérisation moléculaire et des analyses génétiques des tumeurs. Ensuite les partenaires industriels du projet seront chargés de récolter des données. L’angle de travail sera focalisé là où les traitements ne sont pas disponibles au niveau de chaque pathologie.
OncoSNIPE®, la continuité d’IMODI®
OncoSNIPE® ne serait rien sans le projet IMODI® (Innovative Models Initiative) lancé en 2013. Egalement PSPC (investissement d’avenir), ce projet avait reçu un soutien de la BPI de 13 millions d’Euros (sur un total de 41 millions d’Euros). Une quarantaine de partenaires y participent, dont quatre laboratoires pharmaceutiques, 6 PME et une dizaine de centres cliniques chargés d’isoler des tissus tumoraux et de les caractériser. L’objectif était d’établir des modèles expérimentaux humanisés in vitro et in vivo. Le projet qui s’est focalisé sur neuf pathologies, a permis à partir de prélèvements de patients de constituer une base de données très complète de nouveaux modèles expérimentaux qui englobent la diversité génétique des cancers sélectionnés.
L’objectif final de ces deux grands projets qui partent du patient existant est d’identifier les mécanismes impliqués dans la pathologie résistante afin de retrouver des cibles thérapeutiques nouvelles.
Après deux burn-out, une chirurgienne décide de retourner la situation
La méthode de la Mutualité pour stopper 2,4 milliards d’euros de fraude sociale
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
À la mémoire de notre consœur et amie