Blagues graveleuses, harcèlement sexuel, discrimination de genre : les Italiennes sont confrontées au quotidien à des actes de violence verbale ou physique. À l’hôpital, les femmes médecins et internes ne font pas exception. C’est ce que montre une enquête réalisée en 2022 par la branche italienne de l’association des chirurgiennes, Women in surgery (Wis), qui a levé le voile sur la situation inquiétante des soignantes en milieu hospitalier et dans le privé.
« Me too », un chuchotement
Les résultats de cette enquête ont d’abord été publiés dans la revue The Journal of the American College of surgeons. Puis, la presse transalpine s’y est intéressée en décembre en raison de la montée des violences contre les femmes en Italie. Ce rapport pourrait mettre fin à un tabou dans un pays où 80 % des victimes préfèrent ne pas porter plainte par peur des mesures de rétorsion. Selon l’association Amleta, qui tente de recueillir les témoignages de femmes victimes de violence, le mouvement #MeToo de 2017 a été réduit dans le pays à un simple « chuchotement ».
Rédigée avec l’aide de psychologues, cette étude a intégré les témoignages anonymes de 3242 soignantes. Le constat est particulièrement brutal : 57 % des praticiennes et 65 % des internes interrogées – soit 6 femmes sur 10 – ont été ou sont victimes de harcèlement sexuel et de discrimination sur leur lieu de travail. « Au départ, l’objectif n’était pas de dresser un constat sur le taux de harcèlement en milieu hospitalier mais d’étudier le bien-être des soignantes sur leur lieu de travail. Il y avait seulement quelques questions sur le thème du harcèlement, mais les réponses très détaillées nous ont frappés », explique la Dr Gaya Spolverato, spécialisée en chirurgie oncologique et ex-présidente de Wis.
Des gardes cauchemardesques
Les chiffres ne reflètent probablement pas l’étendue du problème, beaucoup de femmes préférant se taire. Les coupables pour leur part, sont rarement sanctionnés. Autre donnée inquiétante : une victime sur quatre (24 %) indique que son témoignage n’a pas été pris au sérieux par les autorités. « Nous devrions nous balader dans les couloirs et dans les salles de gardes avec des magnétos pour tout enregistrer ! » a jeté, amère, une cardiologue victime de harcèlement sur la boucle Whatsapp « Mammeanudo », qui collecte des témoignages sur le harcèlement en milieu médical. Dans le milieu hospitalier comme dans le privé où règne généralement la loi du silence, les gardes peuvent devenir carrément cauchemardesques. À Padoue (nord), une anesthésiste aurait risqué d’être violée à plusieurs reprises dans une clinique privée par un groupe de confrères. « La première fois, c’était à l’occasion de ma première garde, une consœur m’avait dit de m’enfermer à clef, de n’ouvrir à personne sous aucun prétexte et de me faire accompagner par une infirmière en cas d’urgence. La première nuit, trois médecins ont frappé à ma porte, ce harcèlement a duré plusieurs mois », a raconté la Dr Francesca Farina.
Pas de sanctions
Que faire pour pousser d’un côté les victimes à parler et de l’autre mettre un terme à l’impunité ? Face à l’étendue du problème, certains établissements de santé ont déjà adopté quelques mesures de communication en invitant les victimes à s’adresser à la médecine du travail. Mais les femmes ont-elles véritablement envie de s’exposer au grand jour ? Pour le sociologue Antimo Farro, « il y a aujourd’hui une volonté affichée de besoin de rupture avec un modèle précédent. En Italie, on parle, on revendique ouvertement. J’y vois un sentiment d’explosion qui pourrait être porteur d’un changement radical de la vision de la femme. »
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