« Jeter l’éponge ? Jamais ! J’emporterais même mon équipement dans la tombe pour continuer ! » À 80 ans passés, le Dr Pietro Bertolotti n’a pas l’intention d’accrocher sa blouse blanche au clou et de mettre la clé de ses scanners sous le paillasson. Car contrairement à la plupart des praticiens qui font valoir leurs droits à la retraite autour de 65 ans après (il est possible de partir à 62 ans avec 36 annuités de cotisation mais pour bénéficier du taux plein, il faut 42 annuités), ce radiologue considère pour sa part, que le travail est une « chose physiologique ». Il affirme qu’un médecin ayant toutes ses facultés physiques et mentales peut aller de l’avant notamment en cette période où le manque de praticiens se fait cruellement sentir. En Italie, selon les estimations officielles, il manque entre 30 et 35 000 médecins dans le public. Le ministère de la Santé comptabilise un peu plus de 102 000 médecins. Mais Dr Pietro Bertolotti estime aussi que tout dépend de la spécialisation du médecin en question : « un chirurgien ou un urgentiste est confronté à une réalité différente, la fatigue et le stress jouent un rôle important, nous autres radiologues, nous devons nous concentrer pour lire des clichés et les interpréter, physiquement, l’impact est différent ». Il ajoute enfin, que le travail allonge la vie et que « les anciens » comme lui ont un bagage professionnel, une expérience, qu’ils peuvent transmettre en restant sur le terrain. Et qu’ils peuvent peut-être ainsi susciter des vocations qui manquent cruellement en l’état actuel.
Ballon rond ou stéthoscope
Pietro Bertolotti est né le 25 juillet 1943 à Pavie, une ville importante située dans le nord du pays. Une date essentielle pour les Italiens car cette nuit-là, le Grand Conseil fasciste renverse le dictateur Benito Mussolini. Les années passent, l’Italie panse ses plaies et se reconstruit tandis que le futur radiologue passe son baccalauréat et s’inscrit à l’université. « J’ai grandi dans un milieu de la petite bourgeoisie, à la maison tout le monde travaillait, j’ai été le premier de la famille à décrocher un diplôme universitaire, c’était important à l’époque mais cela n’a pas été simple car j’ai dû choisir », se souvient le Dr Bertolotti. À l’époque, il jouait au football, « j’étais un semi-professionnel, je jouais dans le club de Pavie ». Mais à ce niveau, le ballon rond n’était pas vraiment compatible avec les études de médecine. Aussi, la famille se réunit en conseil et la décision est vite prise : Pietro devra accrocher ses crampons au clou et les remplacer par un stéthoscope. Les deux dernières années universitaires sont marquées par un tournant important. « J’étais en cardiologie et il y avait un professeur qui faisait les coronographies, le mélange entre la radiologie et la cardiologie m’a fasciné et j’ai choisi cette branche », confie le Dr Bertolotti. En 1968, il soutient sa thèse tandis que les étudiants descendent dans les rues des grandes villes et manifestent bientôt aux côtés des ouvriers. C’est l’époque du fameux « mai rampant » ainsi appelé en raison de sa durée. « Il dottore », le titre ou plutôt l’appellation réservée à tous les diplômés quel que soit leur cursus universitaire, s’inscrit en radiologie. « J’ai terminé deux ans plus tard car à l’époque, la spécialisation durait deux ans, nous n’étions pas nombreux, au départ, 120 à l’arrivée, 80 ! », se remémore-t-il.
Aujourd’hui, alors que 80 coups ont déjà sonné à l’horloge de sa vie, le Dr Bertolotti estime qu’il a encore beaucoup à faire et à apprendre
Après trois jours à la retraite, il rempile
En 1972, le Dr Bertolotti est recruté par l’hôpital polyclinique San Donatto de Pavie. Il n’en partira jamais. Au début, la direction lui propose un remplacement de six mois mais renouvelable. Deux ans plus tard, il signe finalement un contrat à durée indéterminée. « J’ai passé 31 ans dans cet établissement puis en 2003, je suis parti en retraite, à l’époque on pouvait racheter les années universitaires, ce qui permettait de terminer une carrière avec 40 ans de cotisations ». Mais la retraite, ce n’est pas fait pour le « dottore ». Au bout de trois jours, il décide de rempiler toujours à l’hôpital San Donato mais au titre de consultant. Depuis, sa vie est réglée comme du papier à musique. Réveil à 6 h 30 du matin puis, direction San Donato où il travaille tous les matins sauf le vendredi et aussi le jeudi après-midi. « J’effectue aussi des consultations à l’Institut Città di Pavia qui fait partie du groupe San Donato », confie ce radiologue. Aujourd’hui, alors que 80 coups ont déjà sonné à l’horloge de sa vie, le Dr Bertolotti estime qu’il a encore beaucoup à faire et à apprendre. « Avant, lorsque j’étais jeune, on développait les pellicules, aujourd’hui avec la technologie, tout a changé, j’ai dû m’adapter, à mon âge, ce n’est pas simple ». A-t-il des regrets, choisirait-il un tout autre parcours ? « Oh non, tout serait identique car j’ai eu beaucoup de chance, la vie a été et reste un cadeau ! »
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