Ignace Semmelweis, pionnier hongrois de l’hygiène hospitalière

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Publié le 05/01/2024
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De Claude Bernard à Jean-Martin Charcot en passant par René Laennec, la France a ses grands noms de l'histoire médicale… Mais elle n’est pas la seule. En ce début d’année, Le Quotidien vous propose un voyage d’hiver à la rencontre des pionniers européens de la médecine. Aujourd'hui, le Hongrois Ignace Semmelweis (1818-1865).

Crédit photo : DR

Entre la faculté des sciences et de médecine Semmelweis de Budapest, la fondation éponyme qui promeut l’hygiène dans les soins à Vienne, ou encore les deux films (l’un de 1940, l’autre de 2023) qui portent son nom, on ne peut pas dire que la postérité d’Ignace Semmelweis soit en berne dans le monde. Et pourtant, ce médecin hongrois, qui fut le premier à démontrer que le lavage des mains à l’hôpital pouvait sauver des vies, n’est en grande partie connu en France que parce que le Dr Louis-Ferdinand Destouches, alias Céline, l’a choisi pour en faire le sujet de son assez improbable thèse de médecine en 1924.

Mettre au monde un enfant est à peu près aussi dangereux que d’avoir une pneumonie du premier grade
Ignace Semmelweiss

Né à Budapest, c’est à Vienne que cet obstétricien a livré la bataille qui l’a rendu célèbre. Chef de clinique à l’hôpital général de la capitale de l’empire austro-hongrois, il constate en 1846 que la fréquence des cas de fièvre puerpérale était anormalement élevée dans le service universitaire, où des étudiants accouchaient les femmes après avoir manipulé des cadavres dans la salle. « On meurt plus chez Klin que chez Bartch », remarquera-t-il dans une observation restée célèbre. Il faut dire que les taux de mortalité pouvaient alors atteindre des niveaux difficilement imaginables aujourd'hui : 30, voire 40 % pour les chiffres les plus élevés. « Mettre au monde un enfant est à peu près aussi dangereux que d’avoir une pneumonie du premier grade », notera Semmelweis dans son journal.

La victoire, mais pas la gloire

La solution imposée par Semmelweis, un lavage des mains de cinq minutes avec une solution d’hypochlorite de calcium après avoir disséqué un cadavre, fut efficace : en un clin d’œil, la mortalité dans le service tomba autour 3 %, niveau jugé acceptable à l’époque. Mais ce résultat expérimental éclatant ne suffit pas à convaincre les confrères viennois de Semmelweis, rebutés par la lourdeur du protocole d’hygiène qu’il entendait imposer, sans compter le caractère notoirement ombrageux du Hongrois, sa réticence à publier ses découvertes, et la nouveauté de ses méthodes (cette histoire se situe 20 ans avant les découvertes pasteuriennes !).

Ne parvenant pas à être prophète dans sa ville d’adoption, Semmelweis s’en retourna à Budapest, où il dirigea à partir de 1851 la maternité de l’hôpital Saint-Roch. C’est depuis la capitale hongroise qu’il accepta finalement d’écrire sur ses découvertes. Ces dernières furent progressivement acceptées dans le monde entier (mais Vienne résista longtemps), ce qui n’empêcha pas Semmelweis de connaître une fin des plus tristes, dont il existe deux versions. Toutes deux ont le même point de départ : Semmelweis fut interné en juillet 1865 dans un asile psychiatrique. Selon la version qui a longtemps été acceptée et que Céline reprend à son compte, il y aurait succombé, en une dramatique ironie de l’histoire, suite à une infection consécutive à une coupure… Mais depuis plusieurs années, on sait que ses derniers jours furent plus sordides, et que les germes qu’il avait combattus toute sa vie sans le savoir devaient être mis hors de cause : l’obstétricien mourut des suites des blessures causées par les coups infligés par ses gardiens.


Source : lequotidiendumedecin.fr