Ouverture du procès d’un ancien psychiatre de l’AP-HM jugé pour viols et agressions sexuelles sur quatre patientes

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Publié le 31/03/2025
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Le procès du Dr Marc Adida, 52 ans, s’ouvre ce lundi 31 mars devant la cour criminelle des Bouches-du-Rhône, à Aix-en-Provence. Détenu depuis octobre 2020, cet ancien psychiatre de l’Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) est accusé de viols et d’agressions sexuelles aggravés sur quatre de ses patientes. L’AP-HM et l’Ordre départemental se sont constitués partie civile. Le médecin encourt vingt ans de réclusion criminelle.

Crédit photo : PHANIE

C’est l’une des affaires les plus graves à laquelle l’Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) a été confrontée. Il a fallu attendre le printemps 2020 et le signalement d’une patiente, une jeune femme de 19 ans, via la plateforme dédiée, pour que l’histoire se retourne : « J’ai été victime d’un viol par un psychiatre. Dois-je m’adresser à vous ou il y a une procédure particulière pour les docteurs ? » Cinq mois plus tard, le Dr Marc Adida est mis en examen pour viols, à plusieurs reprises, entre décembre 2019 et janvier 2020, en abusant de l’autorité conférée par ses fonctions, et placé en détention provisoire. Il est également poursuivi pour agression sexuelle avec la même circonstance aggravante au préjudice d’une autre de ses patientes, qui a déposé plainte deux mois avant ce signalement. Là aussi, les faits ont été commis en consultation dans le bureau du psychiatre à Sainte-Marguerite (9e).

La mère de la victime, une jeune femme de 25 ans, a alerté l’hôpital et le directeur général de l’AP-HM a adressé un signalement au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du Code de procédure pénale.

Déjà, en 2016, le psychiatre avait été suspendu à la suite d’une plainte pour viol d’une autre patiente. L’enquête avait été classée sans suite après que cette dernière a retiré ses accusations avant de déposer à nouveau plainte en 2019. Cette plainte a été jointe à l’information judiciaire, suivie d’une quatrième pour viol et agression sexuelle aggravés d’une autre patiente, encore, du Dr Adida. Combien y a-t-il de victimes, au total, dans cette affaire ? La question plane sur ce procès, qui s’ouvre lundi 31 mars devant la cour criminelle départementale des Bouches-du-Rhône, à Aix-en-Provence. Les débats sont publics. François Crémieux, le directeur général de l’AP-HM depuis 2021, sera entendu mercredi.

Sept signalements en dix ans

En moins de dix ans, le Conseil départemental de l’Ordre des médecins, partie civile au procès, a reçu pas moins de sept signalements au sujet du Dr Adida, dont la majorité porte sur des faits de violences sexuelles et sexistes. Le premier remonte à février 2010 – l’année de son recrutement (au mois de juin) comme contractuel à l’AP-HM, où il exerce en tant qu’interne depuis 2022 –, concernant des propos déplacés lors d’un rendez-vous avec une jeune fille de 17 ans. Suivi, en 2013, d’une plainte pour agression sexuelle d’une patiente, qui était hospitalisée en secteur fermée et est décédée cette année-là par suicide. Puis, en 2016, de cette plainte pour viol, évoquée précédemment. Entre-temps, le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens a par ailleurs dénoncé, auprès de l’instance ordinale, les prescriptions abusives de Ritaline, concernant le Dr Adida. Tout au long de cette période, le médecin a été suspendu à plusieurs reprises pour les différentes raisons citées.

Une douzaine d’anciens collègues du praticien hospitalier ont été entendus par les enquêteurs, parmi lesquels bon nombre font part de ses problèmes psychiatriques. Le psychiatre a déjà été hospitalisé sous contrainte pendant trois mois, en 2013, à la demande de son chef de service, après avoir été contacté par l’ex-épouse du Dr Adida, elle-même psychiatre à Sainte-Marguerite, victime d’une tentative d’étranglement de son mari. Les expertises psychiatriques, réalisées dans le cadre de l’enquête, confirment que le médecin souffre de trouble bipolaire, diagnostic qu’il refuse.

À ce jour, le Dr Adida « conteste les faits qui lui sont reprochés », explique son avocat, Me Christophe Pinel, par écrit. « Il est détenu depuis quatre années et demie, ce qui est inconcevable au regard du droit à être jugé dans un délai raisonnable et aux règles édictées pour le respect de ce droit alors même que ses conditions indignes de détention sont injustifiables. Ces considérations ont justifié ses récentes demandes de mise en liberté », ajoute-t-il. Son client encourt jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle.

Dysfonctionnements dans le recrutement

La direction de l’AP-HM affirme avoir découvert l’affaire lorsque celle-ci a été révélée dans le quotidien régional La Provence, à la suite du report de ce procès d’une année. « Le parcours du Dr Adida à l’AP-HM de son recrutement comme contractuel le 1er juin 2010 à son incarcération en 2020 atteste de dysfonctionnements manifestes ayant conduit ce médecin à être recruté puis, malgré des alertes sur des faits graves et des actions renouvelées de la direction de l’AP-HM, à poursuivre son activité pendant dix ans auprès des patients et des autres professionnels de l’AP-HM », explique par écrit la direction, sollicitée par Le Quotidien, quelques jours avant le procès.

« Compte tenu de l’extrême gravité des faits dénoncés par des patientes prises en charge au sein de l’établissement, l’AP-HM a décidé de se constituer partie civile », poursuit-elle. Entre octobre 2024 et le mois de février, 68 professionnels intervenant ou étant intervenus au sein du pôle psychiatrie de l’AP-HM ont saisi le dispositif d’écoute lancé par la direction ainsi que la commission médicale d’établissement, et confié à un cabinet spécialisé extérieur. « Les témoignages recueillis ont révélé plusieurs problématiques majeures. Les médecins ont évoqué, notamment, des abus et violations des droits, mais aussi des atteintes aux droits des patients, des violences sexistes et sexuelles, et une gestion défaillante des conflits », souligne l’AP-HM dans un communiqué publié le 21 mars, à l’issue du conseil de surveillance. D’après ce texte, « quatre enquêtes administratives sont en cours pour analyser des faits graves de violences ou d’abus ». Les rapports d’enquêtes sont attendus sous deux mois.

De notre correspondante Natacha Gorwitz

Source : lequotidiendumedecin.fr